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Écrit par le 4 février 2022


Ce vendredi marque la journée mondiale contre le cancer. Si la pandémie de Covid-19 occupe les esprits depuis deux ans, elle a pu entraîner pour ces malades un retard dans le dépistage de leur pathologie, et donc de leur prise en charge.

Fin 2020, une étude mettait en garde: il pourrait y avoir “1000 à 6000 décès supplémentaires par cancer, liés à la crise sanitaire”. “Il y aura des milliers de morts supplémentaires par cancer dans les cinq ans qui viennent, qui n’auraient pas dû mourir”, lançait à la même période sur BFMTV l’ex-président de la Ligue contre le cancer Axel Kahn, lui-même mort d’un cancer en juillet 2021.

Deux ans après le début de la pandémie, si la situation s’est améliorée dans les hôpitaux en France, le Covid-19 continue d’avoir une incidence forte sur ces malades.

“Les confinements successifs ont limité l’accès au soin et ont conduit à une réduction significative du dépistage, du diagnostic et de l’orientation vers les hôpitaux des patients atteints de cancer”, a résumé l’Inserm en septembre dernier.

En tout, d’après la Ligue contre le cancer, en France “près de 93.000 diagnostics de cancers n’ont pu être établis en 2020”, un “constat alarmant” qui “est la conséquence directe du Covid”. Un constat observé également à l’étranger: le nombre de cancers diagnostiqués en avril de l’année dernière a par exemple “diminué de 30 à 40% lors du premier confinement de 2020” aux Pays-Bas et en Belgique, alertait l’OMS l’année dernière .

“Un impact très dur dès le premier confinement”

“On a vu un impact très dur dès le premier confinement”, explique à BFMTV.com Christophe Swiatek, ambassadeur Auvergne-Rhône-Alpes de l’association Cerhom, pour les cancers touchant spécifiquement les hommes. Il explique qu’un “net ralentissement dans le dépistage du cancer de la prostate” a été remarqué.

Le confinement a en effet mis un coup d’arrêt aux rendez-vous médicaux habituels. “Les gens allaient moins voir leur médecin traitant, donc il y avait moins de propositions d’examens de dépistages”, explique Maya Gutierrez, oncologue médicale, et médecin à l’AP-HP, à BFMTV.com. Et certains patients ne se rendaient pas au dépistage par peur d’être exposé au virus, ou de “déranger” un médecin en pleine pandémie.

Pour les cancers du sein, moins de 43% des personnes éligibles ont fait le dépistage en 2020, alors que ce chiffre tournait autour de 50% les années précédentes. “Au niveau des examens de dépistage des mammographies ou des coloscopies, les gens les faisaient moins”, note Maya Gutierrez.

L’oncologue rappelle également qu’il “y avait des queues telles devant les laboratoires d’analyses qu’on n’allait pas faire des examens de dépistage. Donc il y a eu tout ce retard”, qui peut entraîner des conséquences graves chez les malades.

Le cancer de la prostate est par exemple un cancer qui se guérit dans la très grande majorité des cas, s’il est détecté à temps, mais “à partir du moment où les hommes ressentent des symptômes”, la guérison est beaucoup plus difficile explique l’ANAMACaP (Association nationale des malades du cancer de la prostate). “D’où l’importance d’un diagnostic précoce”.

Des conséquences physiques et psychologiques

Il reste difficile pour le moment d’évaluer l’incidence de ces retards de diagnostic sur les patients. Mais “tant qu’on n’a pas commencé un traitement, en terme de cancer, les lésions tumorales, les tumeurs peuvent augmenter”, souligne Maya Gutierez. Et un retard au départ peut entraîner d’importants changements dans la prise en charge qui suit.

L’oncologue prend l’exemple d’une femme atteinte d’un cancer du sein “chez qui, avec la chirurgie, on pouvait garder le sein en opérant”. “Si la tumeur grossit cela peut être plus compliqué de faire une chirurgie de conservation mammaire”, poursuit-elle. En conséquence, “on peut lui parler de mastectomie”, soit l’enlèvement partiel ou total d’un sein ou des deux.

Françoise, âgée de 60 ans et victime d’un cancer du sein, témoignait sur BFMTV en mars dernier des retards dans sa prise en charge dès le début du parcours. “Un report s’est fait déjà pour le diagnostic et la mammographie, ce qui a retardé toute la suite”, expliquait-elle. Et pour sa “deuxième chirurgie”, nécessaire “puisqu’on n’a pas pu enlever toutes les tumeurs cancéreuses”, “on m’a dit, ‘sous réserve qu’on ne soit pas confinés et qu’on puisse poser l’acte chirurgical'”, relatait-elle.

“Effectivement il y a des interventions qui ont dû être décalées, il y a eu aussi des décalages dans le traitement de patients qui, par exemple, n’ont pas pu avoir leur séance d’immunothérapie”, explique Maya Gutierez.

Ces reports ont pu nuire aux patients sur le plan médical, mais aussi psychologique, dans un contexte de pandémie déjà difficile à vivre. “Notre première préoccupation, c’est d’opérer les personnes qui risquent de décéder, quel que soit le type de cancer dont elles souffrent”, expliquait fin janvier à La Croix Jean-Yves Blay, président d’Unicancer.

“Mais les déprogrammations, si elles ne mettent pas la vie des patients en jeu, sont sources de souffrances. C’est le cas des patientes en attente d’une reconstruction mammaire, une attente souvent extrêmement difficile à vivre et très déstabilisante”, explique-t-il.

Au-delà du pur fonctionnement hospitalier, Maya Gutierez note également que des soins ont dû être reportés en raison de patients positifs au Covid-19. “Récemment, il y a une patiente qui était en traitement préventif d’une rechute d’un cancer du sein, et qui a fait un Covid sévère, du coup on arrête la chimio”, explique-t-elle. D’autres traitements seront utilisés, mais la patiente “n’aura pas son traitement complet”.

“Là, ce qui nous impacte, c’est le manque de soignants”

“Les déprogrammations hospitalières qui ont pu impacter les parcours de soins en cancérologie ont été observées quasi-exclusivement lors de la première vague épidémique (mars-avril 2020)”, assure l’Institut national du cancer à BFMTV.com.

“Dès la seconde vague, des instructions claires et générales ont été prises par les autorités nationales pour sanctuariser la filière ‘cancer’ des déprogrammations. Si des retards ont pu être enregistrés depuis lors, il s’agit de territoires localisés et pour des périodes brèves. De plus, tout a été fait pour qu’en cas de déprogrammation chirurgicale, le retard n’entraine pas de perte de chances.”

“Le second confinement a été beaucoup moins dur” reconnaît Christophe Swiatek, même s’il a noté une dégradation dans le suivi des patients, parfois moins bien accompagnés. “Il y a des annonces de résultats d’analyse pour des cancers qui ont dû être faites à distance, par téléphone ou en téléconsultation”, ce qui peut être très dur à vivre pour le malade, note Maya Gutierrez.

L’oncologue souligne que la situation actuelle est toujours compliquée, mais pour différentes raisons. “Là clairement ce qui nous impacte, c’est le manque de soignants. Je suis depuis un an dans un service d’hospitalisation à domicile, et sur 11 médecins on a trois postes vacants”, explique-t-elle.

L’hôpital public doit en effet composer depuis plusieurs mois avec de nombreuses démissions, mais aussi la fatigue des soignants après deux ans de pandémie, ou encore les médecins contaminés par le Covid-19 pendant la vagu

Ce manque de personnel, entrainant une fermeture de lits, “c’est ce qui nous impacte le plus aujourd’hui, ça c’est vraiment usant au quotidien”.

Une perte de chance “complexe à analyser”

Toutes ces observations indiquent que les malades du cancer ont souffert de la crise sanitaire, et que certains d’entre eux auraient pu connaître des maladies moins difficiles dans un autre contexte. Mais l’incidence réelle de la pandémie sur ces patients reste à déterminer précisément.

“La perte de chance pour les patients ayant subi des retards de prise en charge est complexe à analyser en raison des causes multiples pouvant affecter le parcours, du type de cancer, de son stade plus ou moins avancé, et de l’effet que ce retard a pu réellement avoir sur l’efficacité de leur traitement”, explique l’Institut National du Cancer. “Ces questions font actuellement l’objet de recherches, il n’est donc pas possible aujourd’hui d’y répondre de façon précise et robuste”.

Pour éviter une “épidémie de cancer” en parallèle de la pandémie de Covid-19, comme le craint l’OMS, les médecins appellent donc la population à se faire dépister. Christophe Swiatek propose par exemple la création d’un outil de suivi et d’accompagnement, comme une application “rappelant par exemple aux personnes qu’il faut se faire dépister”: “On a réussi à faire ce système pour le Covid-19, pourquoi pas pour le cancer?”.

Source: bfmtv