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Analyse. L’attentat du Crocus Hall révèle l’échec du tout répressif voulu par Vladimir Poutine

Écrit par le 26 mars 2024


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Quand Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir en 2000, il a aussitôt annoncé la couleur : face au terrorisme, il ne ressemblerait en rien à ses prédécesseurs, Boris Eltsine et Mikhaïl Gorbatchev.

Cette différence était censée se manifester dans sa volonté affichée de ne jamais céder aux pressions. Comme nombre d’officiers formés au KGB et traumatisés par l’effondrement de l’Union soviétique, Poutine était persuadé que l’État russe était si fragile qu’il pouvait s’écrouler à tout moment s’il reculait d’un pouce devant ses ennemis. Pour ses amis du KGB et lui, la pire façon de gérer les terroristes était de faire comme Viktor Tchernomyrdine, alors Premier ministre de Boris Eltsine, qui, en 1995, avait eu un célèbre entretien téléphonique avec un chef terroriste afin de sauver la vie des otages dans un hôpital de Boudionnovsk, en 1995.

Diffusé en direct à la télévision russe, l’appel de Tchernomyrdine avait abouti à la libération de femmes et d’enfants, et avait mis fin à la première guerre de Tchétchénie, ce qui avait été vécu comme une humiliation par l’armée russe. Et cela avait aussi entraîné un douloureux examen de conscience dans les services de sécurité et les forces spéciales russes.

Toujours plus de restrictions

Avec Poutine, une telle chose est hors de question. Dans les années qui ont suivi, il a réagi à tout nouvel attentat terroriste en imposant toujours plus de restrictions. Par conséquent, il est aujourd’hui impossible que ses services et lui soient soumis à la pression de l’opinion publique pendant ou après un attentat.

Attentat à Moscou : un rappel des faits

  • 137 morts. Dans la soirée du vendredi 22 mars, des hommes armés en tenue de camouflage ouvrent le feu et déclenchent un incendie dans une grande salle de concert de la banlieue de Moscou, avant de prendre la fuite. Selon le dernier bilan, au moins 137 personnes ont été tuées et 145 blessées. La tuerie est revendiquée dans la foulée par EI-K, la branche afghane de l’État islamique. Bien que des responsables américains confirment la crédibilité de cette revendication, les autorités russes n’ont toujours pas ratifié l’implication du groupe dans cet attentat, que le tabloïd de Moscou Komsomolskaïa Pravda qualifie de “plus horrible de l’histoire contemporaine de la Russie”.
  • Vladimir Poutine s’exprime après les arrestations. Le FSB a annoncé le 23 mars avoir arrêté dans la région de Briansk, près de 400 kilomètres au sud-ouest de Moscou, 11 personnes en lien avec l’attentat, dont les quatre assaillants présumés. Tous sont des ressortissants étrangers, notamment des Tadjiks, selon l’agence de presse Tass. Le président russe, Vladimir Poutine, s’exprime dans une allocution télévisée près de dix-neuf heures après le drame. Il ne prononce pas un mot sur la revendication de l’État islamique, et indique en revanche que “les quatre auteurs directs [de l’attentat] se dirigeaient vers l’Ukraine”. “Un passage avait été préparé du côté ukrainien pour [leur permettre de] franchir la frontière”, ajoute le président russe.
  • Diversion vers l’Ukraine. Kiev nie toute implication dans cette attaque. “L’Ukraine n’a jamais eu recours à des méthodes terroristes”, déclare très tôt le conseiller présidentiel Mykhaïlo Podoliak sur X. Il avoue toutefois craindre que la Russie n’en fasse un prétexte pour intensifier ses attaques dans son pays. De fait, avant la revendication par l’EI, le numéro deux du Conseil de sécurité russe, Dmitri Medvedev, a menacé l’Ukraine et promis d’“annihiler” ses dirigeants s’il s’avérait qu’ils étaient liés à cette “atrocité”, rapporte Al-Jazeera. “La Russie a encore intensifié ses attaques contre les infrastructures critiques de l’Ukraine”, a rapporté le quotidien Kyiv Independent le dimanche 24 mars.
  • Les suspects au tribunal. Au terme d’une journée de deuil national en Russie, le dimanche 24 mars, les quatre assaillants présumés de l’attaque sont arrivés tard au tribunal de Moscou. Ils ont admis leur culpabilité et été inculpés d’actes de terrorisme. “Ils ont été torturés pendant leur interrogatoire”, souligne le site russe en exil Meduza. “Ils ont été traînés devant la cour, d’abord les yeux bandés, puis le visage découvert, avec des signes de gonflement du visage et des oreilles, l’un d’entre eux était même dans un fauteuil roulant”, décrit le quotidien italien Corriere della Sera.
  • La piste État islamique remise en question. Le lundi 25 mars, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe, Maria Zakharova, a remis en question les affirmations américaines selon lesquelles l’État islamique serait responsable de l’attentat, relaie The Guardian. “Attention – une question à la Maison-Blanche : êtes-vous sûr que c’est Isis [acronyme anglais de l’État islamique] ? a-t-elle interrogé, accusant les États-Unis de répandre une histoire de “croquemitaine” utilisant l’État islamique pour couvrir ses “protégés” à Kiev.

Courrier International

Une censure sévère de l’information sur les attentats terroristes s’est mise en place. J’ai fait l’objet d’une enquête du FSB (les services fédéraux de sécurité) pour la première fois après avoir publié un article critique sur une opération du FSB en octobre 2002, quand plus de mille personnes ont été prises en otage dans un théâtre de Moscou. Cette opération spéciale s’est conclue par des pertes terribles, plus de 130 otages, la plupart tués par un gaz utilisé par le FSB.

Toute critique de la réaction des services russes était proscrite, et il est devenu complètement absurde d’espérer de la Douma qu’elle fasse la lumière sur les événements.

Une définition frappante du terrorisme

En 2006, le refus obsessionnel de Poutine de céder ne serait-ce qu’un pouce de terrain à ses ennemis a été officialisé à l’aide d’une loi capitale “sur la lutte contre le terrorisme”, qui s’est substituée à la loi votée en 1998, sous Eltsine. La nouvelle version propose une définition frappante du terrorisme :

“Le terrorisme est une idéologie de la violence et un moyen d’influencer la prise de décision des institutions gouvernementales, locales ou internationales, au moyen de l’intimidation de la population et/ou d’autres formes d’actions violentes illégales.”

Cette loi mettait en particulier l’accent sur la notion que le terrorisme avait pour cible l’État russe, alors que celle de 1998 le définissait comme visant les civils. Les services de sécurité russes ont compris le message, tout comme les groupes terroristes. Dans les années 1990 et au début des années 2000, les terroristes prenaient des otages et émettaient des revendications politiques, espérant contraindre le Kremlin à négocier. Par la suite, ils sont passés à des actes de terreur brutale et aveugle, sachant que le Kremlin de Poutine ne répondrait à aucune revendication.

Imperméable à la critique

Les groupes terroristes du Caucase du Nord ont commencé par tuer des membres des services de sécurité, mais se sont ensuite mis à massacrer la population en faisant sauter un aéroport de Moscou [en 2011] et en attaquant les transports publics.

Poutine est quelqu’un de très systématique. Tout au long de son règne, il s’en est tenu à sa politique, qui consiste à protéger ses services. Il a veillé à ce que le FSB, le successeur du KGB – son investissement favori, et le plus durable –, soit copieusement pourvu en ressources, et à ce qu’il soit complètement imperméable aux critiques.

Ce qui en a profondément affecté la culture en tant que principal service russe de sécurité responsable de la lutte contre le terrorisme. Le FSB est devenu très efficace et novateur dans le domaine de la répression. Aujourd’hui, les services de renseignement et de sécurité russes sont des experts mondiaux de l’assassinat et de la torture. La société russe a été témoin de bien d’exemples récents : la mort atroce d’Alexeï Navalny en février, le sort des prisonniers politiques, l’exécution le mois dernier d’un transfuge russe en Espagne, et l’attaque au marteau contre un exilé politique en Lituanie.

Doutes et théories du complot

Le FSB est également assez compétent quand il s’agit d’enquêter après les attentats, grâce, entre autres, à la vidéosurveillance, associée à une technologie de reconnaissance faciale dernier cri. Nous l’avons vu quand le FSB a réagi à l’attentat du Crocus City Hall à Moscou. Quatre auteurs présumés ont été identifiés, traqués et interpellés en moins de vingt-quatre heures. Et, bien sûr, ils ont été promptement torturés – les forces spéciales ont tranché l’oreille d’un des suspects et l’ont obligé à la manger, le tout enregistré et aussitôt transmis à des médias pro-Kremlin.

Mais ce ne sont pas ces qualités qui permettent d’éviter les attentats, et le FSB a régulièrement échoué dans le travail de la collecte de renseignements, parce qu’il lui faudrait pour cela disposer d’autres capacités : le partage de l’information entre services, tant nationaux qu’étrangers, et la confiance entre lesdits services et en leur sein même. Et il faudrait aussi qu’ils bénéficient de la confiance de la population, et qu’ils soient prêts à dire des choses fort désagréables aux généraux – voire au dirigeant de la Fédération.

Dans ce pays où toutes les libertés sont interdites et ou le débat politique est lourdement censuré, les services de sécurité nationaux n’inspirent aucune confiance. Certes, la population harcelée emboîtera le pas à la rhétorique du gouvernement, mais la peur et la méfiance ont d’ores et déjà engendré toutes sortes de théories du complot, qui mettent en doute et sapent tout ce que le Kremlin a déclaré sur l’attentat du 22 mars.

Voilà le problème auquel il est confronté au lendemain de l’attentat : il y a des limites à ce que peuvent accomplir la technologie de la surveillance omniprésente, la force brute et la répression.



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