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« Emmanuel Macron se retranche dans le symbole pour mieux masquer sa faiblesse politique »

Écrit par le 16 avril 2024


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Emmanuel Macron a un programme très dense pour le 80e anniversaire de la Libération. Comment analysez-vous cette politique mémorielle ?

 C’est une constante qui courre depuis son premier quinquennat : le macronisme n’est pas une idéologie ou une méthode, mais avant tout une symbolique, une forme de pouvoir qui se pense et se construit par et pour le symbole.

A l’inverse de la présidence a-symbolique de François Hollande, Emmanuel Macron n’a eu de cesse de faire appel à des personnages, des moments d’histoire et des lieux chargés de symboles pour mettre en scène sa politique – de Jeanne d’Arc à Johnny Hallyday, du Louvre à la Sorbonne.

Au départ, c’était sans doute pour se légitimer – il était alors le plus jeune président élu de la Ve République , sans attache territoriale. Force est de constater que cette politique par le symbole se poursuit. 

Que reflète la densité de son programme cette année ?

Manifestement, il a la volonté d’en faire un long fil rouge, scandé et éditorialisé en plusieurs moments, échelonnés dans le temps. À l’ère du zapping permanent, cela correspond sans doute à la volonté de laisser une trace dans la mémoire collective : multiplier des images capables de durer plus longtemps qu’un discours immédiatement chassé par l’actualité.

Ce qui me frappe en voyant la densité du programme, c’est qu’on a le sentiment d’un président en cohabitation, un peu à la manière d’un François Mitterrand qui, de 1986 à 1988, inaugurait des chrysanthèmes tout en se démultipliant sur son domaine réservé, les affaires étrangères. À l’époque, le communicant Jacques Pilhan expliquait que Mitterrand n’avait jamais été aussi « jupitérien » (l’expression est de lui) que lorsqu’il devait cohabiter avec Jacques Chirac.

Aujourd’hui, si Emmanuel Macron n’est pas en cohabitation, cette surenchère symbolique le renvoie à son importante fragilité intérieure. Menacé d’impuissance, il ne dispose pas de majorité absolue au Parlement, et la bataille pour l’après-2027 se passe sans lui. La tentation, c’est donc de se retrancher dans une politique du symbole pour mieux masquer sa faiblesse politique.

Raphaël Llorca est essayiste, codirecteur de l'Observatoire « Marques, imaginaires de consommation et politique » à la Fondation Jean Jaurès.

Raphaël Llorca est essayiste, codirecteur de l’Observatoire « Marques, imaginaires de consommation et politique » à la Fondation Jean Jaurès.Sebastien Calvet/REA

Est-ce que toutes ces cérémonies peuvent rencontrer un véritable écho au sein de l’opinion ?

 Ce qui est sûr, c’est que cette stratégie mémorielle est totalement décorrélée des préoccupations immédiates de l’opinion. C’est un pari.

Côté pile, ces déplacements peuvent renvoyer l’image d’un président qui ne court pas après l’actualité chaude, souvent anxiogène, et qui parvient à prendre de la hauteur pour commémorer des moments très importants dans l’histoire récente.

Côté face, le risque est d’être trop à contretemps des angoisses du moment, réactivant l’image d’un président déconnecté du pays. On se souvient qu’en 2018, « l’itinérance mémorielle » pensée pour célébrer le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale s’était brutalement arrêtée avec le mouvement des « gilets jaunes ».

Faut-il y voir un message politique, notamment à l’approche des élections européennes ?

 Un président de la République qui use de symboles, c’est toujours politique. Le symbolique est un registre intéressant car il permet d’exprimer des messages politiques par d’autres canaux, en biais. Plutôt que d’évoquer explicitement l’extrême droite, le président va en parler de manière détournée, en évoquant la Résistance. La question est de savoir : pour quelle efficacité symbolique ?

La ficelle risque d’être un peu grosse : la preuve, les analystes imaginent déjà les effets d’un discours prévu pour commémorer l’anniversaire du Débarquement, seulement trois jours avant les élections européennes. C’est dire la déshérence stratégique de Renaissance , qui semble tout miser ou presque sur cette prise de parole présidentielle pour remonter dans les intentions de vote…

L’opinion n’est pas dupe de ce type de stratégies symboliques, d’autant plus que ce n’est pas la première fois. On retrouve les mécanismes d’inflation : plus on imprime de monnaie, plus la valeur de la monnaie baisse. Là c’est pareil : plus on utilise le mémoriel, plus son efficacité symbolique décroît.

Est-ce que cela peut nourrir son récit politique ?

L’un des énormes travers de ce type de commémorations est la distorsion entre le symbolique et le réel, entre ce qui relève de la mise en scène et ce qui relève de la pratique gouvernementale.

Un exemple : Emmanuel Macron a célébré la panthéonisation de Missak Manouchian avec un discours très fort, quelques semaines seulement après le vote de la loi immigration . Le paradoxe est intenable : d’un côté on célèbre l’étranger dans les mots, de l’autre on cherche à s’en prémunir dans les actes. Un symbole ne fonctionne que s’il est l’expression d’une ligne politique : là, on a le sentiment que le symbole sert à faire diversion.

Dans la même idée, quelle cohérence peut-il y avoir à un récit politique qui s’apprête à célébrer les valeurs de la Résistance, lorsque dans le même temps il emprunte avec la « décivilisation » à un imaginaire longtemps promu par l’extrême-droite ?

Est-ce que cela n’est pas aussi fait pour masquer ses difficultés au quotidien et une fin de mandat qui s’annonce compliquée ?

Dès le début de son second quinquennat, l’Elysée a annoncé vouloir travailler au « legacy » d’Emmanuel Macron. C’était une terrible erreur de le dire, car cela envoyait le signal que ce qui était recherché, c’était la postérité, et non les problèmes du présent.

A présent, cette multiplication de commémorations est un peu comme une forêt qui cache l’arbre, pour inverser l’expression commune : l’arbre, c’est la raison d’être du macronisme. A quoi sert-il ? Quelle ligne politique, quelle vision du pays, quel projet de société ? Tout ce qu’Emmanuel Macron a porté en 2017, comme le dépassement politique ou le libéralisme politique et culturel, est à présent inexistant ou flottant.

A la fin des fins, la politique mémorielle est certes un moyen habile d’utiliser la spécificité du président de la République, qui n’est pas un émetteur comme un autre dans le débat public, mais elle donne le sentiment de masquer le vide.

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