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Le Bandit d’horreur d’Antoine Albertini

Écrit par le 28 novembre 2023


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Publié le 28 nov. 2023 à 10:32Mis à jour le 28 nov. 2023 à 10:33

L’histoire est tragique et un peu misérable. La vie d’un bandit de grand chemin, dont le quart de siècle d’existence ne bouscula ni l’histoire de son île ni celle de la gendarmerie lancée à ses trousses. D’autres malandrins le précédèrent, d’autres, encore plus nombreux, marchèrent dans ses pas, avec le même destin de reclus, de fuyards, d’assassins et de mythes en devenir.

La courte de vie de Xavier Rocchini, narrée par Antoine Albertini dans son roman « Un très honnête bandit », de l’assassinat de son père en 1882 à son exécution quatre ans plus tard, en place publique, à Sartène, suffirait à concentrer tous les clichés qu’on se plaît à véhiculer à l’époque sur la Corse. La vendetta d’opérette d’un Prosper Mérimée (« Colomba », 1840) dispute le ridicule aux chroniques paresseuses écrites quarante ans plus tard par Guy de Maupassant pour le compte de la presse parisienne – entre deux visites dans les bordels ajacciens.

Qu’importe, c’est donc ainsi que les Français du continent considèrent alors leurs concitoyens de fraîche date, un peu sauvages, très exotiques, dont les édiles semblent parfaitement s’accommoder de l’Empire comme de la République. Et qu’importe d’ailleurs puisque les résultats des élections, là-bas, laissent peu de place au doute et encore moins au hasard.

Une patience d’entomologiste

Trahissons un secret de lecture : le dernier livre d’Antoine Albertini n’est pas une oeuvre de réhabilitation. La condition de la famille Rocchini, l’enchaînement tragique qui pousse un fils à venger son père assassiné en commettant lui-même un meurtre de sang-froid sont les mobiles vite expédiés d’une trame qui peut se résumer en quelques lignes. L’essentiel est ailleurs. Le destin individuel de Xavier Rocchini, décortiqué par Albertini avec une patience d’entomologiste, n’a d’intérêt que parce qu’il abat un mythe collectif, en le réduisant à un amas de pierres éparses.

Il est d’abord question de la responsabilité d’une mère, figure corse s’il en est. Qui maudit son fils deux fois : de n’avoir pas le courage de venger son père immolé puis, le geste accompli, d’être devenu un assassin, un paria, un bandit en fuite. Comme si l’action première pût avoir comme conséquence de ne pas entraîner la cascade de malheurs qui suivit.

La figure du bandit, ensuite. Ces fameux bandits d’honneur chantés par Mérimée et redoutés sur toute l’île puisqu’ils pouvaient surgir, à n’importe quel moment, seul ou en bandes, pour détrousser plus pauvres qu’eux ou tendre un traquenard à une victime désignée, généralement abattue d’un coup de fusil dans le dos. Des personnages publics, conseillers municipaux, conseillers généraux en devenir, n’hésitent pas, souvent, à s’entourer de ces fameux bandits à qui ils offrent le gîte et la soupe en échange de la surveillance du bon déroulement des opérations électorales. En s’assurant par exemple que l’urne arrive déjà pleine le jour du vote.

L’Animali

Du folklore, là encore. Mais la réalité décrite par Albertini est toute autre. Ce sont des hommes traqués en permanence. Par la gendarmerie ou des voltigeurs de l’infanterie. Xavier Rocchini ne dort pas deux fois au même endroit, mange ce qu’il vole ou ce qu’on lui offre de bonne grâce, par pitié ou par peur. La montagne, elle, est vivante, habitée par des bergers, des charbonniers, toute une population qui n’a rien vu lorsque la gendarmerie l’interroge mais qui subit les prédations et les violences avec résignation. Et qui se révolte, parfois, lorsque le crime souille ce qu’on croyait sacré.

En assassinant une cousine éloignée qui lui refuse, malgré sa cour assidue, la fraîcheur de ses quinze ans, Rocchini gagne le surnom d’Animali. Et puisqu’après lui avoir tiré dessus, il prend soin d’effacer, d’un coup de feu à bout portant, le visage d’une adolescente déterminée à préserver son honneur, il ne lui sera pas pardonné.

Escorte militaire

L’exécuteur en chef, Louis Deibler, envoyé depuis Paris avec ses trois aides et sa guillotine démontée, finira par lui faire sauter la tête, après un périple maritime et montagnard aussi ridicule qu’éreintant. Le bourreau, qui craint pour sa vie, renâcle à descendre du bateau et exige une escorte militaire jusqu’au lieu du supplice. Rocchini, au fond de sa cellule, espère une grâce présidentielle qu’il n’a jamais été question de lui accorder.

En mettant en lumière un monde et ses lois, un siècle aussi, qui a vu la Corse s’arrimer à la France, Antoine Albertini complète magistralement, d’une plume élégante, le travail entamé avec ses précédents livres. Qu’il s’agisse de ceux qu’il a nourris de son travail de journaliste (« La Femme sans tête », « Les invisibles ») ou ses deux précédents romans (« Malamorte », « Banditi »). On y trouve la même acuité, la même mesure et la même absence d’excuses face aux drames qui meurtrissent son île. De l’exploitation des travailleurs sans-papiers dans la Plaine orientale aux ravages de la drogue sur la jeunesse locale , en passant par l’affairisme immobilier, refuge idéal d’un grand banditisme en mal de placements, il ne nous épargne rien et ne s’épargne pas non plus. Un très honnête écrivain, en somme.

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