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QU’EST-CE QUE LE CYBERHARCÈLEMENT ET QUE RISQUENT LEURS AUTEURS?

Écrit par le 7 juin 2023


Définition juridique, peines encourues, responsabilité des plateformes… voici ce qu’il faut savoir sur ce délit.

Cyberharcèlement de Hoshiplainte contre Facebook et Instagram France à la suite du suicide de Lindsay, une collégienne de 13 ans, ou encore application proposée par Roland-Garros pour les joueurs victimes de harcèlement en ligne… Les affaires se multiplient ces dernières semaines.

Selon une étude menée en 2021 par l’association e-Enfance, 20% des 6-18 ans ont déjà été confrontés à une situation de cyberharcèlement. Voici un rappel de ce qu’est le cyberharcèlement et de ce qui relève de la responsabilité des plateformes.

• Quelle est la définition du cyberharcèlement?

Dans la loi, le harcèlement est défini par l’article 222-33-2-2 du Code pénal: « Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail. »

Le même article précise: « lorsque les faits ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique », la peine est portée à deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende.

· Quelles formes peut prendre le cyberharcèlement?

Le harcèlement en ligne peut prendre plusieurs formes: intimidations, insultes, moqueries ou menaces en ligne, propagation de rumeurs ou piratage de comptes et usurpation d’identité digitale…

La création d’un sujet de discussion, d’un groupe ou d’une page sur un réseau social à visant un camarade de classe, la publication de photos ou vidéos embarrassantes ou humiliantes de la victime, la création d’un groupe, d’une page ou d’un sujet de discussion sur un réseau social à l’encontre d’une personne relèvent également du cyberharcèlement, tout comme l’échange de contenus à caractère sexuel non consenti.

Les supports sur lesquels a lieu le cyberharcèlement peuvent également être multiples: téléphones portables, messageries instantanées, forum, chats, jeux en ligne, courriers électroniques, réseaux sociaux, site de partage de photographies ou blogs…

Tous les formats de messages peuvent faire l’objet de poursuites que cela soit des publications, des commentaires, des vidéos, des montages d’images… Et que les échanges soient publics ou privés.

· Qui est visé par la loi?

Le cyberharcèlement peut être l’œuvre d’une personne unique ou se faire « en meute »; renforçant le sentiment d’impunité des auteurs de propos haineux. Pour autant, prendre part à une campagne de dénigrement à l’encontre d’une personne, même via un seul message injurieux, est condamnable.

La loi du 3 août 2018 contre les violences sexuelles et sexistes a renforcé l’article dédié au harcèlement du Code pénal, cité plus haut, en introduisant la notion de « raid numérique ». Ainsi, toute personne qui a participé, même par un seul acte unique, avec ou sans concertation, au harcèlement en groupe d’une personne peut être incriminée.

Par ailleurs, le fait que la personne visée par le cyberharcèlement ait, par exemple, été condamnée par la justice n’est pas un motif d’allègement des peines encourues pour l’auteur du harcèlement.

· Quelles sont les peines encourues?

Les peines encourues divergent selon l’âge de l’auteur et celui de la victime. Dans tous les cas, si l’auteur est mineur, les parents sont responsables civilement et pourront être contraints d’indemniser les parents de la victime.

Si l’auteur est majeur

Si la victime a plus de quinze ans, il risque jusqu’à 2 ans de prison et 30.000 euros d’amende. Si elle est plus jeune, la peine maximale est alors de 3 ans de prison et 45.000 euros d’amende.

Si l’auteur a entre 13 et 18 ans

Si la victime a plus de 15 ans, la peine maximale est de 1 an de prison et 7500 euros d’amende. Si elle est plus jeune, la peine peut être portée à 18 mois de prison et 7500 euros d’amende.

Si l’auteur a moins de 13 ans

Des règles et mesures spécifiques s’appliquent puisque la loi estime que le mineur de moins de 13 ans n’est pas capable de discernement.

· Quelle est la responsabilité des réseaux sociaux?

La responsabilité des intermédiaires, c’est-à-dire les hébergeurs et les fournisseurs d’accès internet, est également engagée s’ils ont a eu connaissance des messages publiés et qu’ils n’ont pas agi rapidement.

La lutte contre le cyberharcèlement repose aussi sur l’identification des auteurs de propos haineux en ligne et relève donc en partie de la coopération des plateformes, mais celles-ci ne collaborent pas toujours. « On peine à avoir des réponses », explique Samuel Comblez.

En mars dernier, Twitter France était jugé pour ne pas avoir aidé la justice à identifier les auteurs de deux tweets injurieux visant un responsable de la préfecture des Yvelines. Twitter France et son directeur général de l’époque, Damien Viel, avaient été relaxés.

En 2021, Facebook a annoncé avoir renforcé sa lutte contre le harcèlement. Le réseau peut ainsi retirer des messages privés ou des commentaires qui relèvent du harcèlement en fonction du contexte et d’informations additionnelles.

Sur Instagram, les demandes de messages directs qui contiennent des propos offensants sont censées être directement masquées et ne pas apparaître dans la messagerie principale. En 2019, une intelligence artificielle a été lancée pour avertir les personnes souhaitant publier des messages injurieux.

Il est possible de signaler les contenus sur chaque plateforme et de demander leur retrait sur TwitterInstagramTikTokFacebook ou encore Snapchat.

En théorie, selon la loi de 2004, les plateformes sont tenues de conserver les données qui permettent l’identification de l’auteur de propos illicites, et à répondre aux requêtes des autorités judiciaires. Les plateformes peuvent être poursuivies pour « manquements à leurs obligations » (un an d’emprisonnement et 250.000 euros d’amende).

Elles ont pour devoir de retirer des contenus manifestement illicites dès lors qu’ils ont été notifiés et s’il s’agit d’un message public. Un contenu illicite est un contenu relevant de la haine raciale ou de la pédopornographie par exemple. Une insulte, une injure ou un propos diffamatoire ne sont pas considérés comme illicites.

En pratique, les sièges européens des plateformes se trouvant en Irlande, cela rend difficile les poursuites car se sont des sociétés de droit étranger. Cependant le Digital Services Act permettra une meilleure coopération entre les pays européens sur ce sujet.

· Que veut changer le gouvernement?

Dans le projet de loi visant à « sécuriser et protéger l’espace numérique », le gouvernement souhaite que des faits de harcèlement sur un réseau social entraînent une interdiction d’accéder à la plateforme concernée.

La responsabilité du bannissement serait confiée aux plateformes. Ainsi, les réseaux sociaux pourraient être contraints de bloquer le compte utilisé, mais également de bloquer les anciens comptes et la possibilité d’en créer de nouveaux. La sanction, ordonnée par un juge, sera valable pour six mois et jusqu’à un an en cas de récidive.

Toute la question reste le mode opératoire choisi. Une liste noire d’utilisateurs bannis, comportant leur adresse mail, pourrait être dressée. Avec toutefois un risque de contournement élevé, quelques secondes suffisent à créer une nouvelle adresse mail. Tandis qu’un blocage via l’adresse IP condamnerait l’ensemble du foyer plutôt que la personne visée. Une sanction déjà abandonnée à l’époque de la Hadopi.