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Capitalisme et écologie sont-ils incompatibles ?

Écrit par le 13 avril 2024


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« Ecoanxiété ». Chez beaucoup de jeunes, ce mot reflète la crainte du changement climatique et de l’avenir. A leur désir d’action se mêle un sentiment d’impuissance et de révolte. Et ils ne sont pas les seuls. Dans le rapport du CESE (Conseil économique, social et environnemental) de 2023, huit Français sur dix expriment un sentiment fort d’anxiété face au dérèglement climatique, au niveau le plus élevé jamais mesuré en France. Alors, quelle réponse trouver pour améliorer la situation ? En existe-t-il vraiment une ? Doit-on remettre en question notre modèle économique ?

Un sujet abordé lors de la 3e édition du festival Nos futurs, organisé du 21 au 24 mars à Rennes. Sous la houlette d’Emmanuel Davidenkoff, rédacteur en chef au Monde, un collectif d’étudiants ont interrogé des observateurs de notre société sur le capitalisme et les solutions possibles face au réchauffement climatique. Découvrez la synthèse de ce débat, enregistré en présence de :

Gilles Mitteau, youtubeur (Heu?reka) et auteur de Tout sur l’économie, ou presque – Pour comprendre vraiment ce qui cloche dans le système (Payot),
Thomas Wagner, fondateur du média Bon Pote et auteur de Tout comprendre (ou presque) sur le climat (CNRS éditions),
Geneviève Ferone, cofondatrice de Prophil et vice-présidente du Shift Project,
Hélène Tordjman, économiste, autrice de La croissance verte contre la nature, critique de l’écologie marchande (La Découverte),
Féris Barkat, cofondateur de Banlieues Climat.

Comment définir le capitalisme ?

Gilles Mitteau – Si on se place du point de vue des marxistes, c’est la propriété privée des moyens de production, c’est-à-dire que les ouvriers ou les salariés non-actionnaires ne sont pas propriétaires de l’outil qui sert à produire. Une autre définition, plus actuelle, pourrait être que le capitalisme est la recherche du profit par la concurrence.

Et dans ce système, quelle est la part de responsabilité individuelle face au changement climatique ?

Thomas Wagner – Sur ce point, je vais paraphraser le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) : la responsabilité du réchauffement climatique est commune mais différenciée. Tout le monde est responsable, mais certains, les plus grands consommateurs, sont plus responsables que d’autres. Bernard Arnault a une empreinte carbone au moins 4 500 fois supérieure à ce qu’il faudrait pour respecter nos engagements climatiques et il joue un rôle dans le maintien d’un système croissantiste et consumériste.

La responsabilité collective n’incombe-t-elle pas d’abord aux politiques ? Et peut-on attendre quelque chose d’eux ?

G. M. Du gouvernement actuel, je dirais non ! Mais si on part du principe que le politique se nourrit de ce qui se passe dans la société, alors en interrogeant le capitalisme on peut espérer que cela ait des effets sur les politiques qui sont menées.

T. W. On peut prendre l’exemple de l’affaire des « dévendeurs » [une campagne publicitaire de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) incitant à la sobriété en amont du dernier Black Friday]. Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, a fait savoir qu’il n’approuvait pas du tout cette démarche, au contraire de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, qui, lui, a approuvé la vidéo. Il faut continuer à pousser les sujets, car parfois certains politiques sont nos alliés. Il faut garder espoir.

On accuse les entreprises de faire du greenwashing, mais n’est-ce pas mieux que rien ?

T. W. Non, parce que cela mène seulement à l’inactivité climatique. En matière de logement et de santé, par exemple, en France, au cours de l’été 2022 il y a eu entre 7 000 et 10 000 morts liées à la canicule. Et on connaît leur nombre précis en Europe : 61 000.

Geneviève Ferone – Quand un corps est attaqué, vous avez intérêt à renforcer ses défenses immunitaires. Le greenwashing, c’est cette réponse. Au départ, la RSE [responsabilité sociale et environnementale] et le développement durable ont eu cette vertu, selon une idée généreuse. Mais finalement cela a permis au capitalisme de s’adapter.

Hélène Tordjman – Les normes de RSE fixées aux entreprises sont très faibles, et il est très facile d’y déroger. C’est ce qui permet à TotalEnergies, un des premiers pollueurs du monde, de communiquer sur le fait qu’il est à la pointe des énergies renouvelables. C’est une vaste hypocrisie.

Une piste pour sauver l’environnement est celle de la décroissance, mais à quel point est-elle crédible. Les gens peuvent-ils l’accepter ?

G. M. Comment mesure-t-on la décroissance ? Par la baisse du PIB : il y a moins d’argent, moins de revenus. Pour que ce soit tenable, cela implique forcément une redistribution des richesses avec un objectif : augmenter le bien-être du plus grand nombre.

T. W. Un sondage du Medef (pas de Greenpeace, mais bien du Medef) affirme que 68 % des Français sont prêts pour la décroissance. Si on explique bien à tous de quoi il s’agit, on peut penser que, oui, plus de la moitié de la population y sera favorable.

La croissance verte peut-elle fonctionner ?

H. T. C’est une impasse. Elle nous est présentée comme une solution pour sortir du problème alors que c’est une nouvelle fuite en avant du capitalisme. Nous souffrons aujourd’hui d’un approfondissement d’un système qui s’est développé il y a plus de deux siècles, c’est-à-dire le capitalisme industriel. Il est fondé, à mon sens, sur deux piliers : les marchés et l’extension du domaine des marchés, d’une part ; et la technique, d’autre part. On voit aujourd’hui que deux siècles de ce système ont abouti à une catastrophe écologique majeure. Et quelles sont les solutions proposées aujourd’hui ? Encore plus de marchés, encore plus de techniques.

G. F. La croissance verte, c’est une pensée magique. Au départ, c’était l’idée qu’on allait pouvoir continuer de « découpler », c’est-à-dire de produire sans effort avec des énergies décarbonées. Or c’est impossible.

On constate que ce sont surtout les classes aisées qui ont du pouvoir d’achat, qui s’emparent des questions d’écologie. Comment faire en sorte que toutes les catégories de la population se sentent concernées, et notamment dans les quartiers populaires ?

Féris Barkat – L’écologie, ce n’est pas que la décarbonation et les ours polaires. Il faut aussi parler de la qualité de l’air, des canicules, etc. On doit élargir la définition de l’écologie pour toucher tout le monde. Mon association, Banlieues Climat, propose de s’intéresser à une autre forme d’urgence : celle de la santé, en lien avec l’écologie. Parce qu’à chaque fois on voit que les classes populaires sont les plus touchées dans leur corps par les problèmes liés au réchauffement climatique.

Alors, face à l’urgence climatique, faut-il en finir avec le capitalisme ?

T. W. Dans un monde idéal, oui, parce qu’on n’arrivera pas à sauver le climat assez vite sans cela.

Le Monde

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G. F. De fait, on en sortira : avec une trajectoire à + 4 °C, il n’y a plus de capitalisme ! Mais il ne faut pas non plus tourner le dos au progrès. Il faut réencarter le progrès dans les limites planétaires, et c’est enthousiasmant, car cela implique de renouer avec la complicité, la sobriété, la tempérance, la solidarité…

« Nos futurs, la parole à la relève », un podcast réalisé par Le Monde, en partenariat avec les Champs libres, Sciences Po Rennes, la métropole de Rennes. Production éditoriale et animation : Emmanuel Davidenkoff. Coanimation : Maiwenn Texier, Alice Paul, Maëva Lepoutre. Enregistrement : Jean-Paul Cupif. Montage et mixage : Joséfa Lopez et Eyeshot. Transcript : Caroline Andrieu. Identité graphique : Thomas Steffen, Solène Reveney. Partenariat : Sonia Jouneau, Cécile Juricic, Morgane Pannetier.

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