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Visualisez la sécheresse historique qui frappe les Pyrénées-Orientales depuis deux ans

Écrit par le 12 avril 2024


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Pas une goutte d’eau, ou presque. Depuis mai 2022, aucune précipitation importante n’a arrosé la plaine du Roussillon, dans l’est des Pyrénées-Orientales. La situation est si grave qu’en février, en plein hiver, cinq communes étaient déjà privées d’eau potable et que quarante autres étaient « sous surveillance » a alerté le président du syndicat mixte des nappes de la plaine du Roussillon, Nicolas Garcia.

Le département le plus méridional de l’Hexagone est pourtant habitué à connaître des périodes sèches. Mais la sécheresse qui le frappe depuis deux ans n’a pas d’équivalent.

Un déficit de précipitations abyssal

« Les Pyrénées-Orientales, depuis deux ans, subissent un déficit de précipitations qui est récurrent au fil des mois, puisque depuis janvier 2022, on a eu 22 mois déficitaires et uniquement cinq proches de la normale ou excédentaires », analyse Christine Berne, climatologue à Météo-France. Une partie des mois dépasse même les 60 % de déficit par rapport à la moyenne de 1991 à 2020. « On est sur cette tendance lourde depuis 2022, associée à des températures qui ont été systématiquement deux à quatre degrés au-dessus des normales », poursuit la chercheuse. Le temps sec est devenu la règle, et la pluie l’exception.

Le déficit pluviométrique devient chronique dans les Pyrénées-Orientales

Ecart à la moyenne (1991-2020) du cumul mensuel des précipitations dans les Pyrénées-Orientales depuis 2022.

Les déficits de pluie se sont concentrés dans l’est des Pyrénées-Orientales, sur la plaine où vit la majorité de la population. Le déficit cumulé sur un an, entre avril 2023 et mars 2024, y est compris entre 60 % et 70 % par rapport aux normales. Le déficit est moindre dans l’ouest du département, en raison de sa géographie montagneuse favorable aux chutes de neige et à des pluies plus abondantes.

Ce n’est pas la première fois que le département est touché par la sécheresse : les années 1973 et 1983 avaient déjà été particulièrement sèches (respectivement -31 % et -28 % de précipitations par rapport aux normales d’aujourd’hui) et ont toutes deux été suivies de trois années déficitaires. Les années 2006 à 2009 furent elles aussi nettement plus sèches que la moyenne. Mais aucune n’atteint réellement l’ampleur de la sécheresse observée actuellement.

Pour en témoigner, nous avons calculé les cumuls de précipitations pendant la saison de recharge. Celle-ci désigne la période de septembre à mars, quand les pluies et chutes de neige sont les plus abondantes et permettent de réhydrater les sols superficiels, recharger les nappes souterraines et regonfler les cours d’eau.

Les calculs sur les données de Météo-France montrent que les deux dernières saisons ont enregistré les plus faibles cumuls depuis 1959, et de loin. Ce sont les seules dont le cumul est descendu sous les 300 millimètres de précipitations, à l’exception de la saison 2007-2008, alors que la normale se situe à 507 mm.

Les deux dernières saisons de recharge ont été les moins pluvieuses depuis 65 ans

Cumul des précipitations durant la saison de recharge (septembre à mars) dans les Pyrénées-Orientales par rapport aux normales depuis 1958.


Moyenne (1991-2020)


Saisons passées (1958-2021)

Anomalie
2021-22 :
2022-23 :
2023-24 :

Une situation préoccupante qui persiste, malgré les précipitations abondantes enregistrées depuis novembre 2023 sur l’ensemble du territoire français, les Pyrénées-Orientales étant quasi le seul département à ne pas en avoir bénéficié. Cette singularité s’explique par sa géographie : le département ne reçoit que très peu de précipitations venues de l’ouest. Elles sont bloquées par le relief en raison de « l’effet de foehn », « synonyme d’un ciel dégagé et d’un vent chaud et sec » explique sur son site Météo-France.

Or, c’est précisément ce régime océanique venant de l’Atlantique qui est à l’origine de la pluie tombant sur la France depuis cet automne. « Toutes les précipitations qui ont arrosé le sud de la France arrivaient soit par le sud, soit par le nord-ouest, et les Pyrénées-Orientales n’en bénéficient pas. Il faut que ça arrive par l’est », confirme Christine Berne.

Le département reçoit en revanche les précipitations lors de dépressions se formant en Méditerranée, en particulier au niveau des Baléares, celles-ci remontant ensuite vers le Roussillon et « ont en général pour effet d’apporter des cumuls de précipitations très importants » sur les Pyrénées-Orientales, poursuit Christine Berne. Or, ce sont précisément ces dépressions méditerranéennes qui manquent à l’appel depuis le printemps 2022 et qui expliquent que le département ne connaisse quasiment plus d’épisodes humides notables.

Des sols extrêmement secs même en hiver

L’une des conséquences visibles et immédiates d’une « recharge » insuffisante en hiver est l’état des sols, mesuré par l’indice d’humidité des sols de Météo-France. Celui-ci sert à mesurer dans les sols superficiels (moins de deux mètres de profondeur) le remplissage de la réserve utile en eau pour la végétation, après écoulement de l’eau par gravité. Un indice égal à 1 signifie que la végétation peut utiliser toute l’eau présente dans le sol. Lorsque cet indice est proche de zéro, les plantes ne peuvent plus absorber d’eau. Lorsqu’il est supérieur à un, cela signifie que le sol est saturé d’une eau qui ne s’est pas encore écoulée par gravité.

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Depuis mai 2022, l’indice d’humidité des sols agrégé au niveau du département est au plus bas. Après avoir battu des records de sécheresse lors de l’été 2022, il s’est maintenu à des niveaux historiquement bas une partie de 2023 et a atteint pendant l’hiver 2024 des niveaux très faibles, habituellement observés en juillet-août.

Les sols du département battent des records de sécheresse mois après mois

Indice d’humidité des sols quotidien agrégé pour les Pyrénées-Orientales depuis 2022.

Anomalie
2022 :
2023 :
2024 :

La carte de l’écart à la normale de l’humidité des sols au 10 avril affiche des niveaux nettement plus bas que la moyenne sur une majeure partie du département, avec de moindres écarts dans les zones les plus montagneuses, qui ont bénéficié de chutes de neige pendant l’hiver. Le déficit est en revanche très creusé dans la vallée de la Têt, et notamment dans la région de Prades.

Une telle aridité laisse peu de réserves en eau pour la pousse de la végétation au printemps et affecte fortement les cultures, dominées par la viticulture et l’arboriculture. « Nous sommes depuis deux ans dans une situation extrêmement compliquée, avec des rendements faibles dans la plupart des secteurs, mais surtout dans les cultures non irriguées », expliquait en décembre 2023 au Monde Bruno Vila, arboriculteur et responsable local de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.

Des nappes dans un état critique

« Il semble difficilement envisageable de reconstituer durablement les réserves des nappes du Roussillon d’ici au printemps 2024 », notait le Bureau de recherches géologiques et minières dans une note publiée le 1er décembre 2023. Quatre mois plus tard, à la fin de la période hivernale habituellement propice à la recharge des eaux souterraines, cette prévision s’est confirmée. « Nous sommes dans une situation complètement inédite depuis que nous suivons les nappes du Roussillon », explique Hichem Tachrift, directeur du syndicat mixte pour la protection et la gestion des nappes souterraines de la plaine du Roussillon.

Parmi les secteurs les plus préoccupants, se trouve le bassin de l’Agly. Certains de ses points d’observations – appelés piézomètres – enregistrent depuis des mois des minimums historiques, comme à Saint-Hippolyte ou à Salses-le-Château, où le niveau continue même de baisser, faute de recharge. Le bassin du Réart, lui, évolue dans un contexte différent : « Même dans une année normale, on a une tendance sur le long terme à la baisse en raison d’un déséquilibre entre les prélèvements et la recharge de la nappe », explique Hichem Tachrift. Ce déficit structurel est aggravé par la sécheresse : à Ponteilla, par exemple, le niveau moyen enregistré en mars n’a jamais été aussi bas depuis le début des mesures, en 2002.

Toutes masses d’eau confondues, les piézomètres du département mesurent des niveaux dégradés, qui se situent pour la plupart à des valeurs très basses par rapport aux normales mensuelles pour cette période de l’année.

Les nappes des Pyrénées-Orientales se situent à des niveaux inédits

Agrégation mensuelle des indicateurs piézométriques standardisés des Pyrénées-Orientales depuis septembre 2021.

Source : Ades et Visi’Eau 66, calculs Le Monde

Une sécheresse aggravée par le réchauffement du climat

Si le lien entre cette sécheresse et le réchauffement climatique n’est pas avéré, celui-ci accroît nettement son impact sur la végétation et les sociétés humaines, en raison des températures très élevées qui dominent le climat local de ces dernières années. « Si on regarde les cumuls de précipitations, on observe une très grande variabilité interannuelle. Mais ce qui a changé, c’est la chaleur des derniers étés, notamment 2022 et 2023, qui ont été un facteur très aggravant », explique Christine Berne.

Depuis janvier 2022, près des trois quarts des températures quotidiennes enregistrées dans le département ont dépassé les normales de saison. Les jours de chaleur (lorsque la température maximale atteint au moins 25 °C) se sont multipliés et arrivent désormais de plus en plus tôt dans l’année. Le 5 février 2024, en plein hiver, le thermomètre a affiché une température extraordinaire de 26,1 °C à Céret, qui avait déjà connu quatre autres « jours de chaleur » depuis le début de l’année, un record. Il faut remonter, selon Météo-France, à 1933 pour retrouver un jour de début février affichant de telles températures (avec des conditions de mesures « probablement bien différentes », précise l’organisme).

Les données des stations de Météo-France dans les Pyrénées-Orientales ci-dessous montrent les anomalies de température depuis janvier 2022. L’anomalie 2023 est calculée par rapport aux normales 1991-2020.

Dans les Pyrénées-Orientales, les températures quotidiennes dépassent la normale 74,5 % du temps

Températures quotidiennes rapportées à la moyenne 1991-2020 de quatre stations des Pyrénées-Orientales depuis janvier 2022.


Moyenne (1991-2020)


Jours + froids


Jours + chauds

Perpignan

Anomalie 2023 : +1,52 °C

Cap Béar

Anomalie 2023 : +1,39 °C

Le Perthus

Anomalie 2023 : +1,46 °C

Serralongue

Anomalie 2023 : +1,82 °C

Les températures plus élevées conduisent à la fois à une évaporation plus rapide de la masse d’eau en circulation, mais aussi à une saison végétative plus longue, ce qui réduit d’autant plus la part des précipitations s’écoulant par gravité vers les nappes phréatiques et complique donc leur recharge. « Les températures élevées qu’on observe depuis quelques années jouent un rôle important dans le déficit d’enneigement, et celui-ci a des répercussions importantes sur les débits des cours d’eau et sur les réserves des barrages », souligne Christine Berne.

En cas d’enneigement « normal », sans anomalie de températures, la fonte des massifs neigeux accumulés pendant l’hiver permet par écoulement d’alimenter les cours d’eau pendant plusieurs mois. Mais le très faible enneigement de ces dernières années, associé à des températures toujours plus élevées, participe à précipiter la fonte des neiges, ce qui assèche nettement le débit des fleuves et cours d’eau qui irriguent le territoire.

Les images satellitaires prises en mars 2024 attestent de la faible quantité d’enneigement sur le territoire du département, comparé à celle du même mois il y a six ans.

Vue satellitaire des Pyrénées-Orientales

Photographiée en mars 2018 puis en mars 2024.

Avant

Mars 2018

Après

Mars 2024

Crédit photo : Planet

Cela ne signifie pas pour autant que le réchauffement climatique n’a aucune influence sur la raréfaction des précipitations, au contraire. Les observations de Météo-France montrent « une légère baisse des précipitations de l’ordre de 10 % » depuis cinquante ans, « mais surtout une baisse en hiver et un allongement de la saison sèche ». Des conclusions cohérentes avec les dernières connaissances scientifiques synthétisées dans le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.

Selon Météo-France, « les projections climatiques montrent une poursuite de l’élévation des températures et une baisse des précipitations totales sur le bassin méditerranéen, avec un renforcement de l’intensité des épisodes de fortes précipitations ». Ainsi, le climat de Perpignan « se rapproche aujourd’hui de celui que connaissait Valence [Espagne] avant le réchauffement climatique », explique l’organisme. A savoir un climat « chaud et plus sec, semi-aride, avec des précipitations pouvant être tout de même violentes, notamment à l’automne ».

Pour remédier au déficit structurel du département, le conseil régional d’Occitanie s’est prononcé le 28 mars pour le lancement d’une étude sur le prolongement de l’Aqua Domitia jusque dans les Pyrénées-Orientales. Cet ouvrage de 140 kilomètres de long prélève depuis 2016 une partie des eaux du Rhône pour les acheminer dans l’Aude, mais les travaux pourraient prendre près d’une décennie. D’ici là, il faudra gérer une situation qui mettra du temps à se rétablir, à condition que les prochaines années soient régulièrement abondantes en précipitations, ce qui demeure très incertain.

Lire l’analyse | Article réservé à nos abonnés La reculade sur le climat, un signe de la pression du populisme

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