Avec Plateau Urbain, Simon Laisney développe des tiers-lieux solidaires

Au coeur de la ville

Très jeune, je me suis pris de passion pour les rapports de l’homme avec son milieu. À 18 ans, la lecture de La géographie du XXI^e siècle, de Paul Claval, m’a fait découvrir que comprendre la ville était une science. Je me suis lancé dans des études d’urbanisme et aménagement du territoire à la Sorbonne. Ce sont des disciplines qui touchent à la fois à l’économie, la sociologie, la politique, la culture. Une véritable interface entre les élus, les acteurs de l’immobilier, les architectes et les habitants. Mon diplôme en poche en 2010, au beau milieu de la crise, j’ai travaillé dans un syndicat d’action foncière, puis chez DTZ, un conseil en immobilier d’entreprise pour appréhender la dimension privée.

La prise de conscience

Je me suis rendu compte que l’Île-de-France était le plus grand march é tertiaire d’Europe avec plus de 40 millions de mètres carrés de bureau, dont une partie restait vacante, autour de 3,5 millions de mètres carrés, soit l’équivalent de 44 fois la surface de la tour Montparnasse. À la suite de mon licenciement économique, j’ai envisagé deux options : confectionner des vêtements demi-mesure en circuit court à l’étranger ou continuer dans mon domaine en écoutant mon désir d’entrepreneuriat. À Saint-Denis, le tiers-lieu 6b, que Julien Beller a proposé au promoteur Brémond de transformer en résidence d’artiste, m’a inspiré.

Les premiers tiers-lieux

En 2013, dans un jardin de la première couronne francilienne, est née l’association Plateau Urbain. L’idée de départ : mettre en lien les espaces temporairement inoccupés du marché immobilier avec le secteur créatif et entrepreneurial qui ne trouve pas sa place en Île-de-France, à cause du prix élevé des loyers. En collaboration avec l’association Aurore qui lutte contre la précarité, notre premier grand projet a vu le jour : Les Grands Voisins dans l’ancien hôpital parisien Saint-Vincent-de-Paul que nous avons occupé de 2015 à 2020. Nous avons remis aux normes le bâtiment, pris en charge la dimension technique, géré l’appel à candidatures… Au total, 3,4 hectares avec plus de 250 structures autour de projets d’économie sociale et solidaire, 600 hébergements d’urgence et des espaces communs de convivialité.

Redonner accès aux centres

Dans le but de s’inscrire dans un projet solidaire mais aussi d’éviter le gardiennage d’un lieu vide, les propriétaires nous confient gracieusement leurs grandes surfaces inoccupées, afin d’y créer ces tiers-lieux à vocation sociale. Avec ces dents creuses qui permettent de distordre le marché, nous redonnons accès au centre de la ville à de jeunes entrepreneurs à impact social qui peuvent ainsi louer un espace à 10 euros le mètre carré en plein coeur de Paris. Cet urbanisme transitoire permet également d’éviter de construire de l’immobilier neuf. Devenu en 2017 une société coopérative d’intérêt collectif, Plateau Urbain emploie aujourd’hui 87 salariés autour de plusieurs pôles : la gestion de bâtiments, la programmation culturelle, la technique, le développement, le conseil auprès des collectivités et des privés sur la faisabilité de l’occupation temporaire. Nous travaillons à Paris, Lyon, Marseille et Bordeaux avec douze lieux actuellement dont, à Paris, un ancien couvent du XIV^e arrondissement et les 29.000 m² du siège de l’AP-HP devenu Les Arches Citoyennes qui devrait fermer en septembre prochain. En 2020, s’est ajouté Base Commune, une foncière qui acquiert des rez-de-chaussée pour les louer de façon pérenne et à prix réduits à des acteurs de l’économie sociale.