Colère des agriculteurs : le message brouillé de LR

Après l’immigration , la crise du monde agricole. Les Républicains enfourchent les chevaux de bataille pour tenter d’exister. Ce mercredi, leurs députés ont présenté 50 propositions pour « assurer un avenir durable à notre agriculture » sous la forme d’un « livre blanc » .

Cette initiative était prévue de longue date, mais a pris plus de relief avec la colère actuelle du monde paysan. Elle a toutefois été percutée par la récente proposition d’Eric Ciotti de créer un revenu minimum de 1.500 euros pour tous les agriculteurs en réformant l’aide médicale d’Etat (AME) et la politique d’asile. Elus dans des territoires ruraux, les députés LR ont accueilli avec froideur cette tentative jugée « maladroite » de conjuguer la crise migratoire avec le malaise du monde agricole.

Bon sens

« Les agriculteurs ne veulent pas être subventionnés. S’ils votent pour la droite, c’est parce que ce sont de petits chefs d’entreprise qui attendent qu’on leur parle de la valeur du travail », souffle un stratège LR. La plupart des 50 propositions présentées ce mercredi par Julien Dive, député de l’Aisne, et lui-même frère de cultivateur, sont directement inspirées des revendications entendues sur les barrages.

Baisse des normes et des charges sociales, suspension immédiate des accords de libre-échange, remise en cause de l’Office français de la biodiversité (OFB) que les agriculteurs tiennent pour responsable d’un excès de zèle et de contrôle… Pour le groupe de députés LR, les agriculteurs doivent « avoir une liberté d’entreprendre, en s’appuyant sur leur bon sens paysan ».

La publication de ce livret blanc, après une première proposition de loi pour interdire d’importer des produits ne respectant pas les normes européennes, est aussi l’occasion d’accuser l’exécutif de jouer « le pourrissement du mouvement », alors que le gouvernement envisage une nouvelle série d’annonces pour répondre aux revendications des agriculteurs.

Rivalité avec le RN

Les Républicains redoutent de voir le RN s’approprier la colère du monde paysan et l’électorat agricole qui lui a été longtemps acquis. Mais résumer le malaise rural à une logique de vases communicants entre bonnes et mauvaises dépenses, comme sur l’AME, passe pour contre-productive à droite où l’on assure qu’Eric Ciotti n’a pris le temps de consulter personne avant cette annonce.

« L’agriculture est un très bon sujet pour nous. C’est là où l’on peut faire preuve de sérieux », regrette un cadre LR sans qu’il soit jamais question de réussir véritablement la transition écologique dans ce livret blanc.

Interrogé en conférence de presse, Julien Dive préfère, lui, botter en touche au sujet d’un revenu minimum : « La manière, ce n’est pas le sujet. Il est indigne qu’un agriculteur qui travaille 35 heures en moins de trois jours gagne moins de 1.500 euros ».

Le spectre des européennes

D’autres, au sein du parti, voient plutôt dans cet empressement d’Eric Ciotti, une forme de fébrilité à l’approche des élections européennes. LR est crédité de 8 % des voix dans le dernier baromètre OpinionWay-Vae Solis pour « Les Echos ». La nomination récente de François-Xavier Bellamy comme tête de liste, n’a pas créé le sursaut attendu dans l’électorat de droite tandis que le RN caracole en tête avec 27 % des intentions de vote.

L’eurodéputé était présent mardi à l’Assemblée nationale pour la réunion hebdomadaire des députés LR. L’occasion de défendre son bilan législatif au Parlement européen en matière d’agriculture après un premier déplacement de campagne dans l’Oise, mercredi dernier au chevet des exploitants. Sans s’attarder sur la proposition d’Eric Ciotti.