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Dans les coulisses d’une croisière de luxe

Écrit par le 9 avril 2024


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A Sao Vicente, l’une des dix îles volcaniques qui forment l’archipel du Cap Vert, un petit groupe de touristes converge vers le quai du port de Mindelo. « C’est votre première croisière avec la Compagnie du Ponant ? » demande Marc, un quadra de la Côte d’Azur, teint hâlé en plein mois de décembre et visage barré par un large sourire, en arrivant. « Oh non, c’est la douzième », lui répond Daniel, une trentaine d’années de plus, avec un délicieux accent suisse. « Vous êtes amiral, grand amiral ou carrément commodore ? » reprend Marc, faisant allusion aux différents échelons du programme de fidélité. Une saynète qu’on croirait tirée d’un film promotionnel. Mais non, c’est du réel. L’un comme l’autre font partie des inconditionnels de la compagnie qui ont choisi de découvrir le monde, surtout ses coins les moins envahis par le tourisme, en passant par les mers.

Avec une vingtaine d’autres passagers, dont une bonne moitié d’habitués, Marc, Daniel et leurs épouses s’apprêtent donc à embarquer à bord du Ponant, somptueux voilier blanc battant pavillon français. Pendant la pandémie qui l’a éloigné des eaux, ce trois-mâts de 88 mètres a été refait à neuf. Après deux ans et demi de travaux, il affiche un bon goût sans ostentation, des cabines luxueuses… Leur nombre est passé de 32 à 16, pour les rendre plus spacieuses, avec leurs salles de bains dignes d’un cinq-étoiles. Ce Ponant remasterisé a même décroché l’an dernier le label Relais & Châteaux .

A peine les valises déposées dans les cabines, rendez-vous au salon. « Heureux de vous accueillir dans ce joli navire, lance Pascal Goger, le commandant. C’est le plus vieux de la compagnie mais aussi le plus moderne… puisqu’il se déplace avec le vent. » Ecolo avant l’heure, lui qui a été construit en 1990. Aussitôt, on procède au premier exercice de sécurité, priorité absolue du commandant. A ceux qui ne connaissent pas encore les mouvements imprévisibles d’un bateau, le commandant rappelle au passage le proverbe : « Une main pour soi, une main pour le navire. »

Un membre d'équipage du « Ponant », au large des îles du Cap Vert.

Un membre d’équipage du « Ponant », au large des îles du Cap Vert.JC Pieri/Ponant

Suit la présentation de l’équipage. « Cette semaine, vous êtes 26 passagers, poursuit Pascal Goger, et nous sommes 33 à votre service. Alors considérez que vous êtes chez vous, sur votre yacht privé. » Ses cinq principaux cadres se tiennent à ses côtés, détendus : Pierre, son adjoint (également responsable de la sécurité), Giuliana, la pétillante « travel concierge » en charge des excursions, Hélène, la jeune infirmière, Gaspard, le chef mécanicien, qui supervise la technique, et Amélie, la directrice de l’hôtellerie, des cuisines et de la propreté. Un « organigramme » qui décrit à lui seul les conditions d’une croisière hors norme. Aussi simples à énoncer que difficiles à réunir : sécurité des personnes et du navire, navigation fluide, chambres confortables, découvertes mémorables au sol, expériences uniques à bord, plaisirs de la table… Fondée en 1988 par de jeunes officiers de la marine marchande, reprise en 2015 par Artémis, la Compagnie du Ponant a acquis au fil des années une expertise qui lui permet, malgré les aléas de la météo et les caprices de la mer, d’approcher cet idéal.

Identifier une destination et dessiner un tracé

Pour dévoiler les secrets de fabrication d’une telle croisière, il faut remonter le temps. « En général, on décide une destination deux ans à l’avance », précise José Sarica, directeur de « l’expérience expédition ». Cet ancien chercheur en biologie marine a abandonné l’observation des orques et des baleines pour diriger pendant quinze ans le département des expéditions. Aujourd’hui, sa nouvelle mission consiste à innover sur les itinéraires, c’est en quelque sorte le patron de la R&D de la Compagnie. « Tout part toujours du rêve ou d’une envie de l’un d’entre nous, indique le commandant Stanislas Devorsine. Une envie de découvrir une zone rarement, sinon jamais, desservie par la mer et où les gros navires ne peuvent pas aller. C’est l’ADN de notre compagnie, qui est restée très maritime, au-delà du confort, de la gastronomie et des découvertes. » Pour Stanislas Devorsine, cette forme de voyage constitue le dernier lieu de l’aventure humaine, la seule qui réserve de divines surprises.

A gauche : la pêche est l'une des activités proposées par l'équipage du « Ponant ». A droite : salon extérieur du « Ponant ».

A gauche : la pêche est l’une des activités proposées par l’équipage du « Ponant ». A droite : salon extérieur du « Ponant ».JC Pieri/Ponant

A gauche : poste de pilotage du « Ponant ». A droite : le commandant Pascal Goger sur la passerelle intérieure.

A gauche : poste de pilotage du « Ponant ». A droite : le commandant Pascal Goger sur la passerelle intérieure.JC Pieri/Ponant

Une fois la destination choisie, il faut arrêter un itinéraire et prendre en compte tous les paramètres, étudier la carte marine, les courants, les infrastructures portuaires, se pencher sur la météo, analyser les r ègles du pays, les exigences des ONG… Mais à la fin, il faudra toujours improviser. Un jour de février 2023, à bord du Commandant Charcot , un brise-glace hybride propulsé au GNL, pensé pour le tourisme polaire et dernier-né de la flotte, Stanislas Devorsine aperçoit une baie, la rejoint et découvre une zone vierge de l’Antarctique, où aucun humain n’était jamais entré. Un rêve d’enfant. Son meilleur souvenir en mer.

Bâtir un programme inoubliable

Pour fabriquer des souvenirs ineffaçables, les équipes doivent passer du temps sur place, identifier des sites spectaculaires et des expériences originales, rencontrer les autorités locales, trouver des partenaires et rassurer. Car lorsqu’elles entendent parler de croisière, les populations locales commencent à s’inquiéter, s’attendent à voir débarquer des milliers de personnes dans leur village. C’est à José Sarica, l’homme de « l’expérience expédition », de les rassurer en amont. Le mois dernier, il est ainsi parti en repérage à Kullorsuaq, en mer de Baffin (à l’ouest du Groenland), pour préparer une croisière qui aura lieu à bord du Commandant Charcot en avril de l’année prochaine.

Le brise-glace « Commandant Charcot », dans le passage du prince Christian au sud du Groenland.

Le brise-glace « Commandant Charcot », dans le passage du prince Christian au sud du Groenland.Amb/Ponant

José Sarica, directeur de « l'expérience expédition ».

José Sarica, directeur de « l’expérience expédition ».

Accompagné d’un commandant pour son expérience de la navigation, il a rencontré les habitants du Grand Nord, des chasseurs et des pêcheurs qui pourraient servir de guide. Il a aussi vérifié qu’un camp polaire pouvait être organisé sur place, avec des tentes traditionnelles groenlandaises – expérience unique que pourront vivre les futurs passagers. Le plus difficile consiste à trouver le bon « réceptif », à Madagascar, au Honduras ou au Cap Vert, mais aussi le bon expert, capable de bâtir un itinéraire cohérent, avec un fil rouge. Les expériences les plus authentiques seront les plus marquantes. Au Cap Vert, en décembre dernier, sur l’île de Sao Nicolau, les passagers découvrent un étonnant spectacle de danses d’origine européenne, contredanse, mazurka et polka. Bien sûr, les danseurs du village sont là pour l’occasion, ils sont rémunérés, mais leurs pas témoignent des traditions de cette ancienne colonie portugaise métissée, traditions héritées des rythmes africains, brésiliens et européens.

Au-delà du programme bien ficelé, la croisière doit aussi surprendre, en annonçant au dernier moment des expériences qui n’y figuraient pas. « L’été dernier, on a privatisé la citadelle de Gozo à Malte, raconte le patron du développement produit, Benoît Carassou-Maillan. Quand la météo le permet, on improvise un moment de baignade à l’arrière du bateau, ou un barbecue de langoustes. »

Le commandant Stanislas Devorsine.

Le commandant Stanislas Devorsine.Sue Flood/Ponant

« Nous travaillons de plus en plus sur le slow cruising, observe José Sarica. On réduit les distances et la vitesse, et surtout notre empreinte, en mettant les communautés au coeur du voyage. » Des fiches de satisfaction sont systématiquement distribuées aux passagers au terme de la croisière, analysées à la loupe par les équipes du siège. Il arrive que ces retours d’expérience conduisent à des retouches sur l’itinéraire. Au Cap Vert, une équipe emmenée par le commandant Pascal Goger est retournée sur place pour repérer d’autres mouillages que ceux retenus l’hiver dernier.

Régaler les passagers

A bord du Ponant, les passagers attendent chaque repas avec excitation. La table est le lieu où l’on sympathise. On raconte sa vie, sa carrière dans la plasturgie ou dans la tech… Un très jeune retraité converse avec une veuve joyeuse, élégante et chaussée en toutes occasions de souliers vernis, une avocate avec un chirurgien. La gastronomie fait partie du voyage, du petit-déjeuner au dîner, en passant par les tea times et les apéros chic, un jour caviar, un jour jambon ibérique… Au retour d’une excursion, le directeur du restaurant interpelle les passagers qui prennent la direction de la salle installée sur le pont supérieur : « Un cocktail, avant d’aller déjeuner ? Vous êtes là pour vous faire plaisir, non ? » Pas faux.

A table, pas question de servir la « cachupa », plat national capverdien constitué de maïs, de haricots, de légumes, de viande, de poisson et de chorizo – tout ce qui se mange sur l’Archipel ! A bord, on tient à mettre à l’honneur la cuisine française, plébiscitée par les clients. Acras de vivaneau, carpaccio de crevettes, tartare de langoustines, demi-queue de homard, filet de boeuf Rossini, entremet chocolat praliné, crème brûlée à la fève tonka… Pour sortir ces plats, Cédric, le chef, aidé de son chef pâtissier, d’un sous-chef et d’un chef de partie, a mis en place une organisation parfaite. Il faut s’adapter aux arrivages, les produits frais sont achetés une fois par semaine sur le marché local, le reste arrive par conteneur. Le rythme est soutenu, sept jours sur sept, la cuisine est vaste mais elle tangue comme le reste du voilier. Le roulis empêche de peser les ingrédients (ce qui complique la vie du pâtissier). Et bien sûr, il faut envoyer toutes les assiettes en même temps… Le filet de boeuf, par exemple, est cuit sous vide, puis poêlé au beurre au dernier moment. « Sur un bateau, explique Amélie, directrice de l’hôtellerie et de la restauration, on a un sens de l’adaptabilité inné. Rien n’est simple, mais c’est un privilège de travailler ici. Tous les jours, notre bureau change de décor ! »

Si le Ponant et le Paul Gauguin gèrent eux-mêmes leurs restaurants, le reste de la flotte bénéficie du savoir-faire des équipes de Ducasse Conseil. Ce partenariat a été conclu en 2016 entre la Compagnie et le chef le plus étoilé du monde. « Nous avons travaillé avec les équipes de la Compagnie pour créer une identité culinaire, conforme à son esprit d’exclusivité, détaille Jérôme Lacressonnière, chef cuisinier et patron de cette filiale du Groupe Alain Ducasse. Progressivement, et en restant modestes, on a voulu élever le niveau, d’abord des quatre Sisterhips puis des Explorers, enfin du ‘Commandant Charcot’, un palace flottant où nous avons même créé un restaurant Alain Ducasse, le ‘Nuna’. » Pour ce navire, le plus prestigieux de tous, Jérôme Lacressonnière et son équipe ont développé 250 recettes uniques, comme des médaillons de veau, asperges vertes et morilles, une langoustine au caviar adaptée d’une ancienne recette du Plaza Athénée, ou la longe de veau accompagnée de ris de veau, sucs de cuisson au café. Un « régime » d’exception.

L’art de cuisiner en mer

Contrairement à ce qui se passe en avion, ou à bord d’une station spatiale, les sensations gustatives sont les mêmes en mer que sur la terre ferme. Mais les contraintes et les paramètres à prendre en compte sont nombreux. « Vous faites le passage de Drake, en Antarctique, avec des vagues qui peuvent aller jusqu’à 18 mètres, vous avez intérêt à avoir de la vaisselle solide », s’amuse Jérôme Lacressonnière, directeur de Ducasse Conseil. Météo féroce, incertitudes du transport maritime depuis la pandémie, turnover des équipes en cuisine parfois sujettes au mal de mer… Les recettes exclusives sont testées dans le laboratoire de Ducasse Conseil et codifiées dans les « books de déploiement » illustrés de photos. La filiale du Groupe Alain Ducasse assure aussi des formations, dans l’Ecole Ducasse d’Argenteuil ou, pour les serveurs et cuisiniers philippins, dans celle ouverte par le chef à Manille.

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