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De Notre-Dame de Paris à Saint-Etienne de Metz, Le vitrail, un art sacrément contemporain !

Écrit par le 10 avril 2024


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Casque blanc sur la tête, un grand vitrail dans le dos pour l’image : visitant, le 8 décembre dernier, le chantier de Notre-Dame de Paris, Emmanuel Macron pensait-il déclencher une telle tempête en annonçant le lancement d’un concours pour six vitraux contemporains figuratifs destinés à la façade sud de la cathédrale ? Un an pile avant la réouverture prévue, la volonté du chef de l’Etat était d’inscrire «la marque du XXIe siècle» dans l’un des monuments les plus visités de France. Un souhait également partagé par l’archevêque de Paris, Monseigneur Laurent Ulrich. Quelques mois auparavant, déjà, deux designers contemporains, Guillaume Bardet et Ionna Vautrin avaient été sélectionnés pour concevoir respectivement le mobilier liturgique et les chaises de la cathédrale. La nouvelle des futurs vitraux n’a pas manqué de susciter une levée de boucliers car ces verrières, attendues pour 2026, devront remplacer les vitraux de six des sept chapelles latérales créés par Eugène Viollet-le-Duc au XIXe siècle.

Un siècle de polémiques

Tempête dans un bénitier ? Né en France, au Moyen Âge au temps des cathédrales, le vitrail n’en est pas vraiment à sa première polémique. A commencer par les trente ans de querelles provoqués, à partir de 1937, par la première tentative d’introduire des vitraux dessinés par une douzaine d’artistes de l’époque. Ladite polémique avait été finalement tranchée en 1965 par André Malraux, alors ministre de la Culture, au profit d’un seul artiste : Jacques Le Chevallier, peintre, graveur décorateur et vitrailliste. «Cet épisode a eu le mérite de poser des questions» , observe Anne-Lise Garbe, conservatrice de la jeune Cité du vitrail, à Troyes , qui prépare pour l’été prochain, une exposition sur ce feuilleton, en réunissant un certain nombre de propositions de 1937.

À la fin des années 1930, le père Couturier avait eu plus de succès pour convaincre l’Eglise de faire appel à des plasticiens, pas nécessairement chrétiens, pour les vitraux de la toute nouvelle Notre-Dame de Toute Grâce du plateau d’Assy, face au Mont-Blanc. Au nom de l’art, ce dominicain, également peintre verrier et codirecteur de la revue catholique L’Art sacré, affirmait alors haut et fort :«Il vaut mieux s’adresser à des hommes de génie sans foi qu’à des croyants sans talent.»

L'oculus de la chapelle de l'Hôtel-Dieu-Le-Comte, qui abrite la Cité du vitrail, est habillé par une oeuvre de Fabienne Verdier.

L’oculus de la chapelle de l’Hôtel-Dieu-Le-Comte, qui abrite la Cité du vitrail, est habillé par une oeuvre de Fabienne Verdier.©Studio OG

Avec l’interruption du chantier par la guerre, il faudra attendre 1950 pour que l’église soit consacrée. Entre Henri Matisse, Fernand Léger, Georges Rouault, Georges Braque ou encore Jean Bazaine pour ne citer que les vitraux, c’est un condensé de l’art de l’époque que le public peut encore y admirer. Cette première, dans un édifice religieux moderne, sera suivie par une autre initiative sans précédent : l’inauguration, la même année, de vitraux d’Alfred Manessier, l’un des maîtres de la Nouvelle école de Paris, dans l’église romane des Bréseux, dans le Doubs, réalisés à la demande des abbés Comment et Ledeur. Ces deux initiatives marquent véritablement le début du renouveau de l’art sacré.

Un renouveau alimenté jusque dans les années 1970 par les efforts de reconstruction des dommages causés par la Seconde Guerre mondiale, tout comme la nécessité d’ériger de nouvelles églises pour accueillir des populations urbaines gonflées par l’exode rural. Parmi les chantiers les plus emblématiques de cette époque, les historiens d’art citent volontiers l’oeuvre remarquable accomplie à la cathédrale de Metz à l’initiative de l’architecte en chef des monuments historiques, Robert Charles Renard. Ce passionné d’art contemporain a su réunir dans l’édifice religieux doté de la plus grande surface verrière de France Marc Chagall, Jacques Villon et Roger Bissière. Une source d’attrait touristique aujourd’hui toujours aussi vivace pour la métropole lorraine.

Les années Lang et la cathédrale de Nevers

«Dans les années 1980, l’Etat a pratiqué une politique volontariste de renouvellement de la création avec de nombreux chantiers dans les cathédrales ou les églises, faisant appel à des artistes de la scène internationale, qui n’avaient en principe jamais tâté des vitraux» », raconte Véronique David, chercheuse honoraire, à Paris, au centre André Chastel, un laboratoire d’histoire de l’art. Marquées par une succession d’expérimentations, les années Lang culminent avec le projet controversé de la cathédrale de Nevers réparti entre Jean-Michel Alberola, Gottfried Honegger, François Rouan, Claude Viallat et Markus Lüpertz. Il lui est reproché un manque d’harmonisation entre les oeuvres des différents artistes.

Pour de Sainte-Foy de Conques, seule la lumière naturelle m’a paru convenir.

Pierre Soulages

En 1987, le remplacement des panneaux historiés et polychromes des 95 fenêtres et 9 meurtrières de Sainte-Foy de Conques confié par l’Etat à Pierre Soulages suscite une nouvelle controverse. Mais l’artiste qui avait découvert sa vocation dans cette abbatiale à l’âge de 14 ans s’est accroché pendant huit ans à son projet, surmontant les réticences locales et les changements politiques. Paradoxalement, le maître du noir fit le choix de verres dits blancs, c’est-à-dire incolores – qui respectent les longueurs d’onde de la lumière naturelle. «Seule la lumière naturelle m’a paru convenir» , expliquait-il, soucieux de « «respecter l’identité du bâtiment.» Depuis, ce chef-d’oeuvre roman est connu autant pour la beauté de son tympan du XIIe siècle que pour l’esthétique contemporaine de ses vitraux dont le blanc laiteux n’est pas sans rappeler les panneaux d’albâtre utilisés bien avant le verre.

Nouvelles techniques, nouveaux usages

«Depuis le tournant du siècle, l’accent est davantage mis sur l’embellissement» , indique Jean-François Lagier, directeur général du Centre de vitrail de Chartres, une structure de promotion créée en 1980. « «Ces vingt dernières années ont été marquées par une grande diversité d’expression et de moyens mis en oeuvre» , ajoute-t-il. Au-delà de l’esthétique, les techniques participent également à la modernité. Thermoformage, émaux sur verre, impression sur verre, superposition ou fusion de verres entre eux, verres dichroïques aux multiples facettes : autant de possibilités pour capitaliser sur les propriétés du verre. Les progrès des fours permettent aussi de mieux contrôler les températures de cuisson du verre et donc les résultats recherchés.

«La Vierge et l'enfant trônant» (2016), vitrail du peintre américain Kehinde Wiley.

«La Vierge et l’enfant trônant» (2016), vitrail du peintre américain Kehinde Wiley.©Courtesy of the artist and Templon, Paris – Brussels – NYC

Pour l’artiste, c’est l’occasion de sortir de son atelier et de travailler main dans la main avec des vitraillistes ainsi que des fournisseurs de verre spécialisés, comme Saint-Just à côté de Saint-Etienne, ou le Bavarois Lamberts. Pour les seize baies que lui avait confiées la cathédrale de Metz en 2020, l’artiste vidéaste coréenne Kimsooja a jeté son dévolu sur ces verres dichroïques aux effets colorés différenciés, grâce au dépôt d’oxydes à leur surface. Quand le regardeur se déplace, il voit alternativement la couleur et sa diffraction en arc-en-ciel.  « Il a fallu toutefois l’expertise du maître verrier Pierre-Alain Parot [aujourd’hui décédé, NDLR], pour trouver le moyen technique de les utiliser en adoptant un système de double peau, collant ces verres très techniques aux classiques verres transparents soufflés à la bouche », explique Laurent Innocenzi, conseiller pour les arts visuels et le cinéma de la Drac Grand Est, qui a suivi le projet.

Le vitrail apporte lumière et transparence, et la diffusion des couleurs fait écho à celle des multiples écrans qui nous entourent. « Les pigments de couleur des images sur écran sont révélés par rétroprojection et non pas réfraction de la lumière », observe très justement la plasticienne Fabienne Verdier qui a marqué de sa calligraphie les verrière apporte lumière, transparence et une diffusion des couleurs qui fait écho à celui des multiples écrans qui nous entourent. «Les pigments de couleur des images sur écran sont révélés par rétroprojection et non pas réfraction de la lumière», observe très justement la plasticienne Fabienne Verdier qui a marqué de sa calligraphie les verrières du choeur de l’église de Nogent-sur-Seine. Ce travail m’a apporté une complète refondation de mon expérience de la couleur et de la lumière» , ajoute l’artiste, qui a accepté la part d’inconnu lié à l’action du feu lors de la production du verre. Ce savoir-faire qui ne cesse de se réinventer attire désormais des artistes de plus en plus séduits par ce mode d’expression très vivant, qui rend la lumière visible grâce à la couleur. Il inspire aujourd’hui tant les plasticiens que les décorateurs dépassant le champ historique du religieux. On retrouve ce savoir-faire dans les boutiques de luxe, la construction navale, l’habitat haut de gamme, mais aussi dans les parkings, les gares ou les équipements sportifs…

La relève contemporaine

Nul doute que le projet de concours de Notre-Dame de Paris suscite des vocations auprès d’une scène artistique qui ne cesse, elle aussi, de se renouveler. A côté des vétérans bien connus que sont Kim En Joong, père dominicain coréen à l’origine d’une centaine de réalisations abstraites, en France et à l’étranger, Jean-Michel Alberola (Nevers, et cette année la cathédrale d’Autun), Udo Zembok (Créteil) ou François Rouan (Nevers et cette année un bâtiment de l’abbaye de Fontevrault), une nouvelle génération émerge. Jean-Michel Othoniel , plasticien du verre par excellence, connu pour ses billes et ses briques dans ce matériau, se passionne depuis 2008 pour son expression sous forme de vitrail, oeuvrant aussi bien pour des édifices religieux (cathédrale d’Angoulême, et actuellement la basilique Saint-Cernin de Toulouse), que pour une création éphémère au Palais du facteur cheval ou l’hôtel Connaught à Londres.

Vitrail commandé par l'Etat à Véronique Ellena pour le millénaire de la cathédrale de Strasbourg.

Vitrail commandé par l’Etat à Véronique Ellena pour le millénaire de la cathédrale de Strasbourg.©Véronique Ellena

Fabienne Verdier a adapté la technique traditionnelle du jaune argent et de la grisaille à l’esthétique contemporaine non seulement à Nogent-sur-Seine, mais aussi à Troyes sur l’oculus de la chapelle de la Cité du vitrail. L’Américain Kehinde Wiley pastiche volontiers des thèmes religieux classiques dans ses vitraux avec des personnages afro-américains, dont certains sont régulièrement exposés à cette même Cité. Quant à Véronique Ellena, la photographe et plasticienne a enchaîné après la cathédrale de Strasbourg avec le musée Réattu d’Arles.

En tout état de cause, les candidats devront démontrer au comité artistique, installé depuis le 8 mars par la ministre de la Culture Rachida Dati, leur capacité à apporter une réponse à l’échelle d’un édifice hors norme et d’une histoire sur le très long terme. En novembre prochain, le comité désignera le binôme lauréat constitué d’un artiste et d’un atelier verrier. Leur oeuvre devra être  « figurative», conformément aux annonces du 8 décembre dernier. «Depuis 1998, avec Gérard Garouste à Notre-Dame de Talant, près de Dijon, et Martial Raysse à Notre-Dame de l’Arche d’Alliance dans le XVe arrondissement de Paris, il y a un retour au figuratif» ,constate l’historienne de l’art Véronique David. Mais il faudra encore patienter jusqu’en 2026 pour admirer  «la marque du XXIe siècle» sur Notre-Dame de Paris. Et ce, pour des siècles et des siècles…

La profession

250 personnes, c’est l’effectif de la profession vitrailliste répartie dans quelque 130 ateliers en France, souvent des affaires familiales. Les plus significatifs comptent une dizaine de personnes chacun. Parmi ceux-ci, certains comme les Ateliers Loire de Chartres – fondé en 1946 – et les Ateliers Duchemin parisiens sont plus orientés vers la création.

Ils aiment le vitrail

Plusieurs artistes s’emparent du vitrail. Pour Bruno Loire des Ateliers éponymes « c’est le reflet d’un regain d’intérêt pour le matériel verrier en général» . Anne et Patrick Poirier réalisent des pièces pour des collectionneurs. La galerie Allen fait travailler Maxime Rossi. Kamel Mennour est également proactif avec certains de ses artistes. Les décorateurs s’en emparent volontiers que soit, de longue date, François-Joseph Graf, Jacques Grange, Juan Pablo Molyneux ou, plus récemment, Pierre Marie. Hubert Le Gall s’y met également. L’occasion pour les ateliers de les accompagner afin de ne pas perdre leur savoir-faire. Si la restauration est source de revenus réguliers, «les ateliers ne peuvent pas s’en contenter, avertit Marie Rousvoal, directrice générale des Ateliers Duchemin, au risque de perdre les compétences requises pour la création.»

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