En ce moment

Titre

Artiste

[qt-onairmini]

[qt-onairmini]


Dodo, Drouault… le leader tricolore de la literie joue à fond la carte made in France

Écrit par le 28 mars 2024


[ad_1]

Ses mouvements sont déliés, son geste est précis. Penchée sur sa machine à coudre, Alima Djemai attrape les couettes une par une sur le tapis roulant pour en piquer les côtés à la vitesse de l’éclair, sans le moindre écart. « Nos couturières les plus expérimentées sont capables de fermer entre 350 et 380 couettes par jour », précise Stéphane Biquet, directeur de l’usine Dodo de Saint-Avold, en Moselle. Comme ses collègues, Alima Djemai aura même ses initiales imprimées sur l’étiquette. Sa signature. Chaque jour, ce sont près de 25.000 couettes et 30.000 oreillers, principalement en rembourrage synthétique, qui sortent de ce site de production, le plus important de France, où un savoir-faire artisanal côtoie des machines dernier cri.

Et pas question de ralentir la cadence. Car, dans les magasins comme sur le Web, les clients en redemandent. Il a suffi d’une vague de froid mi-janvier pour que les ventes de couettes décollent. Comme les appels du gouvernement à la sobriété énergétique, lors de l’envolée des prix de l’énergie en 2022, avaient eux aussi dopé la demande. « La météo et les coûts de chauffage impactent directement notre activité », reconnaît Bruno Savarino, directeur commercial et marketing de Dodo. Si la première reste aléatoire, les seconds ne sont pas près de se calmer : au 1er février dernier, les factures d’électricité des ménages et des entreprises ont augmenté d’environ 9 % selon les abonnements.

L’édredon, une révolution

Une hausse qui pourrait profiter à la maison mère de Dodo, Home Heritage , dont les différentes marques avaient déjà bénéficié de l’embellie des dépenses en équipements de la maison lors des confinements. « On va clore notre exercice fin mars avec une croissance cumulée de 40 % sur les quatre dernières années », se réjouit Didier Hannaux, PDG de ce groupe de 900 salariés. La preuve qu’une PME textile peut rester familiale après quatre générations, fidèle à ses racines mosellanes, et continuer à grandir. En treize ans, son chiffre d’affaires a bondi de 78,3 millions d’euros à 185 millions, faisant d’elle le numéro 1 français du secteur, devant les autres fabricants tricolores Lestra et Pyrenex. « Si vous cherchiez une belle endormie, vous n’êtes pas au bon endroit », plaisante son patron dont le bureau jouxte la principale usine du groupe, qui en compte sept, toutes en France.

Dans l'usine Drouault, au Mans. Les plumes de canard et d'oie qui garnissent ses oreillers, couettes et surmatelas proviennent d'élevages vendéens et du Sud-Ouest. 

Dans l’usine Drouault, au Mans. Les plumes de canard et d’oie qui garnissent ses oreillers, couettes et surmatelas proviennent d’élevages vendéens et du Sud-Ouest. © DR

Une agilité ancienne. Voilà quatre-vingt-sept ans que cette discrète entreprise du Grand Est s’efforce de garder une longueur d’avance. Tout démarre en 1937 quand les époux Hanau ouvrent un atelier de couvertures et déposent, avec un sacré flair, la marque Dodo. Fuyant l’invasion nazie, la famille émigre aux Etats-Unis, d’où elle revient, en 1947, avec un produit révolutionnaire, l’édredon. Les ménagères sont vite conquises. En 1970, Jacques Hanau succède à ses parents. Pas question de s’assoupir pour lui non plus. En 1974, il rentre d’un voyage d’études en Europe du Nord convaincu que la couette en fibres synthétiques va donner un coup de vieux au traditionnel duo drap-couverture. Bien vu. Elle devient vite le produit phare de la PME.

La conquête des grandes surfaces

Autre pari de Jacques Hanau, l’essor des hypermarchés va permettre d’y vendre en masse des articles de literie jusque-là distribués dans les magasins spécialisés. Mobilisation générale à l’usine de Saint-Avold qui, à la fin des années 1970, double de taille. Dodo domine rapidement le rayon sommeil des grandes surfaces. Elle y est toujours numéro 1. Ses liens avec les enseignes (Carrefour, Auchan…) comme avec les vendeurs à distance (La Redoute notamment) sont d’autant plus solides qu’à la fin des années 1980, la PME mosellane propose de fabriquer leurs collections. Aujourd’hui, ces produits sous marques de distributeur (MDD) représentent 20 % de son chiffre d’affaires.

Jacques Hanau est aussi le premier du secteur, en 1993, à s’aventurer dans la publicité télé. Resté le plus gros annonceur de sa catégorie, Dodo sponsorise aujourd’hui plusieurs émissions de prime time sur TF1 dont Dream Team, lancée en janvier dernier. Résultat, selon le dernier relevé de l’Ifop, le taux de notoriété de la marque atteint 93 %.

Changement d’échelle

Retour à Saint-Avold. Si Didier Hannaux arpente moins souvent les 55.000 m2 de l’usine, il en connaît le moindre poste de travail et continue de saluer les employés par leur prénom. « J’ai 62 ans, dont 42 ans de maison, j’y ai fait tous les métiers », raconte le gendre de Jacques Hanau, recruté à 21 ans, après avoir épousé sa fille Carole. « Avec le même patronyme, à un ‘n’ et un ‘x’ près, prémonitoire non ? », plaisante celui qui a succédé à son beau-père en 2000.

Avec lui, Dodo a changé d’échelle. Depuis 2004, pas moins d’une dizaine de sociétés de l’univers du sommeil ont rejoint le groupe, rebaptisé l’an dernier Home Heritage, dont Drouault, un des derniers fabricants tricolores d’articles en plumes et duvet, ou la marque de linge de lit Anne de Solène. En septembre 2021, avec le rachat d’ACF, Home Heritage a mis la main sur six autres marques de puériculture, d’équipements professionnels et de linge de maison. Dont Poyet Motte, rare industriel français encore présent dans la couverture, implanté dans le Rhône depuis 1839.

Didier Hannaux, PDG de Home Heritage.

Didier Hannaux, PDG de Home Heritage.© DR

Ces acquisitions permettent au groupe mosellan de proposer une large gamme d’articles, grand public et haut de gamme, et d’être présent à la fois dans les supermarchés, les grands magasins (BHV, Galeries Lafayette, Bon Marché…), les enseignes spécialisées (Darty, Conforama, But, Maison de la literie…), et chez les e-commerçants (Amazon, Cdiscount, La Redoute…). Un solide parachute contre les retournements de conjoncture.

Fournisseurs d’hôtels et de palace

D’autant que Home Heritage est aussi devenu un fournisseur important de l’hôtellerie, un marché en plein essor. « Nous équipons 120.000 chambres par an », précise Didier Hannaux. Notamment au sein du groupe Accor et de ses enseignes Ibis Styles, Mercure, MGallery ou Fairmont. Mais aussi dans plusieurs cinq-étoiles ou palaces. Comme les établissements « Cheval Blanc » (LVMH), « Le Grand Contrôle » (groupe LOV Hotel Collection) à Versailles, ou le « Lutetia », à Paris, propriété de la société israélienne Alrov. Sauf qu’à 2.000 euros la nuit prix plancher, cette clientèle exige de dormir dans de la plume.

Ça tombe bien. C’est la spécialité de Drouault, racheté en 2004. Alors que la plupart de ses concurrents s’approvisionnent en Chine, cette manufacture installée au Mans depuis 1850 est une des dernières à traiter elle-même la précieuse matière première qui garnira oreillers, couettes et surmatelas. Les plumes de canard et d’oie en provenance d’élevages vendéens et du Sud-Ouest y sont d’abord lavées et séchées dans d’immenses silos. Puis de gigantesques souffleuses trient plumes et duvet, en préservant les flocons qui feront tout le gonflant des garnissages. Un échantillon de chaque lot part ensuite au laboratoire où, toutes portes fermées pour éviter les envols de plumes, on inspecte à la pince à épiler leur courbure, leur élasticité, leur tenue à l’humidité…

Les recettes du maître duvetier

Mais le vrai secret de Drouault, labellisé Entreprise du patrimoine vivant, c’est le tour de main unique de son maître duvetier. Comme un vigneron dans son chai ou un assembleur de cafés, il détermine, pour chaque ligne de produits – plus ou moins chauds, fermes, légers… -, le bon dosage plumes-duvet et oie-canard. « Soit une centaine de recettes au total », assure David Burnel, directeur exécutif de la maison.

Si le modèle de couette Drouault le plus vendu est le 80 % duvet de canard – comptez 800 euros pour la 220×240 centimètres -, les grands hôtels, eux, ne jurent que par la 90 % duvet d’oie, plus isolante et plus chaude. Plus chère aussi : autour de 1.000 euros. Le tout piqué à la main. « Ce qui n’empêche pas une production d’environ 600 couettes et 9.000 oreillers par jour », détaille Jonathan Hannaux, le fils aîné de Didier, directeur général adjoint de Home Heritage. Moyennant quoi Drouault a vu son chiffre d’affaires doubler en vingt ans, à 30 millions d’euros.

De telles quantités n’excluent pas le sur-mesure pour autant. Couettes en forme de trapèze pour les cockpits de bateau, logo d’un château ou d’un palace cousu à la main, passepoil de couleur, taille XXL pour lits extra-larges… Pour honorer ces demandes, certains métiers requièrent des années d’expérience. A Saint Arnold, Dodo possède même sa propre école de couture où sont formées une dizaine de jeunes par an.

Traitement anti-punaises

Sa bonne santé, l’industriel du textile la doit aussi à l’innovation. « On n’a pas le choix, explique Didier Hannaux. Alors que nous n’avons jamais délocalisé notre fabrication, la seule voie pour conserver nos parts de marché face aux produits asiatiques est de mettre le paquet sur la R&D. » En scrutant toutes les attentes des consommateurs. Ceux-ci veulent des articles moins allergènes ? « On a développé un traitement anti-acariens 100 % végétal à base d’huile essentielle de lin », détaille Nathalie Bourguet, cheffe de groupe marketing de Dodo. La phobie des punaises de lit bat son plein ? Les couettes et les oreillers de la gamme Total Defense sont traités à base de géraniol, une molécule présente dans de nombreux végétaux (comme le thym, la citronnelle et le pin) et naturellement répulsive.

Les dormeurs exigent des couettes plus confortables et plus pratiques ? « On a mis au point une fibre à la fois légère et isolante qui donne la sensation d’un remplissage duvet tout en étant lavable à 40 °C », détaille Bruno Savarino. Plus absorbantes ? Une nouvelle gamme de couettes d’été composée à 20 % de chanvre va bientôt sortir. Plus écolos ? La collection Ocean Care propose des garnissages issus de bouteilles en plastique recyclées ramassées dans les océans. Le plastique disparaît aussi des emballages, remplacé par des housses en kraft réutilisables, à base de cellulose de bois biosourcé.

Le choix du long terme

Didier Hannaux n’a qu’une obsession : « Dépendre de moins en moins de l’Asie. » Pour les enveloppes d’oreillers en coton blanc, par exemple. Jusque-là importées, elles vont bientôt être fabriquées en interne. Et tant pis si cela revient plus cher. Les prix de vente n’augmenteront pas pour autant. « Nous préférons rogner sur nos marges plutôt que de répercuter la hausse de nos coûts, qu’ils soient liés à la production, la logistique ou l’énergie. C’est le privilège d’un actionnariat 100 % familial, il autorise des choix d’investissement sur le long terme », assure le PDG de Home Heritage, dont deux des trois enfants, Jonathan (38 ans) et Michael (32 ans, en charge du digital), tracent leur chemin dans l’entreprise sous sa houlette et celle de son numéro 2, David Czimowski. Pendant ce temps-là, Didier Hannaux reste à l’affût de nouvelles acquisitions. Pourquoi pas, cette fois, ailleurs en Europe ?

Les chiffres clés du groupe Home Heritage

· 185 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023.

· 6,5 millions de couettes et d’oreillers fabriqués par an.

· 120.000 chambres d’hôtel équipées chaque année.

· 15 marques (linge de maison, vêtements de nuit, couvertures…).

· 7 usines et 26 magasins en France.

· 900 salariés.

La couette la plus chère du monde

Ils sont une dizaine de clients par an à débourser sans ciller un peu plus de 15.000 euros pour une couette au format 220 x 240 cm. Un record. « Elle est composée à 97 % de duvet de canard eider, le plus léger et le plus chaud qui existe », précise David Burnel, directeur exécutif de la manufacture Drouault, basée au Mans depuis 1870 et rachetée par le groupe Home Heritage en 2004. Très rare, le duvet de cette espèce protégée d’Islande est prélevé directement dans les nids, à la main. Un luxe réservé aux pays du Nord ? Hélas, non. « Nos principaux clients sont dans les Emirats, pour se protéger du froid de la climatisation… », reconnaît David Burnel.

[ad_2]

Source link