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« Mon bel animal » : le voyage au bout de l’enfer d’Ivo van Hove

Écrit par le 29 mars 2024


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L’expression est parfois galvaudée mais avec « Mon bel animal », à l’affiche trois jours à la Grande Halle de La Villette, on peut vraiment parler de choc théâtral. On a beau être prévenu à la lecture du programme – spectacle interdit aux moins de 16 ans, présence de représentantes du planning familial pour répondre aux questions du public -, l’adaptation du roman horrifique de Marieke Lucas Rijneveld par Ivo van Hove choque, provoque un malaise croissant, jusqu’à entraîner le départ de certains spectateurs visiblement très en colère.

Le maître belge a en effet choisi de représenter l’irreprésentable : la relation malsaine, fatale, d’un prédateur pédophile et d’une adolescente. L’action se passe à la campagne aujourd’hui. Kurt, 49 ans, marié et père d’un ado, est vétérinaire. Il soigne les vaches du père de Meisje, à peine 14 ans, qui a du mal à se remettre de la mort de son petit frère et vit dans un monde onirique, peuplé de musique (Kurt Cobain) et de pensées destructrices au point qu’elle s’identifie au deuxième avion des attentats du 11 septembre au World Trade Center à New York. Le pédophile, prompt à se trouver des excuses – les abus sexuels infligés par sa mère dans son enfance – va entrer dans l’univers de l’enfant tourmentée, la séduire et la violer.

La violence du spectacle tient au fait qu’Ivo van Hove a choisi de coller au livre et de tout mettre en scène. Dès la Grèce antique, le théâtre évoque la barbarie des hommes : le viol, l’inceste, les parricides, matricides, infanticides… mais sans les représenter frontalement. La veine de « Mon bel animal » est hyperréaliste. Non content de découvrir les pensées les plus sales du prédateur par le biais de nombreux a parte, le spectateur le voit passer à l’action et assiste au supplice de sa victime, d’abord en apparence consentante, puis anéantie lorsqu’elle découvre la vraie nature de l’homme en qui elle avait placé toute sa confiance.

Effets spectaculaires

Le malaise est renforcé par la puissance de la mise en scène. Le décor impressionnant – un champ parsemé de meules de foin et coiffé d’un immense ciel changeant en miroirs – est un des plus réussis du scénographe Jan Verweysveld. Les effets spectaculaires abondent : orage titanesque, apocalypse virtuelle, grand concert final… La bande-son, mélange de chansons originales et de standards cultes (Nirvana, Whitney Houston), distille un faux air de bien-être et de liberté rock and roll qui trompe sournoisement son monde.

Mais le plus dérangeant sans doute est l’implication et la qualité de jeu des acteurs. La troupe du maître belge nous a habitués à des prodiges. Ici, l’interprétation des comédiens s’avère hors norme, dominée par les performances d’Hans Kesting et Eefje Paddenburg qui ont pour rude tâche d’incarner le duo Kurt-Meisje. Le premier déploie un mélange de fausse décontraction, de brutalité, de veulerie et de vil désespoir, aussi troublant qu’effrayant. La seconde oscille entre innocence frondeuse, grâce rebelle, vraie-fausse joie de vivre et folie noire qui vrillent le coeur. Tous deux se mettent littéralement à nu, sans pudeur, et poussent les feux de la tragédie jusqu’à s’autodétruire sous nos yeux.

Doit-on représenter un viol sur scène ? Doit-on faire appel à la figure d’un Hitler fantoche (un des spectres qui hante l’adolescente) ? A-t-on basculé dans une forme de tragédie contemporaine qui entend tout montrer, pour dire le monde plus cru et plus fort, ou a-t-on trahi l’essence du genre, fondé sur la suggestion et le seul pouvoir des mots ? On n’aura pas d’avis tranché sur la question… On est persuadé en revanche, que malgré ses longueurs, ses pesanteurs et ses excès, « Mon bel animal » a réussi son pari de nous confronter sans filtre à la perversité des hommes, de la manière la plus démonstrative qui soit, mais sans complaisance. Le voyage au bout de l’enfer d’Ivo van Hove s’appréhende alors non comme un exorcisme, mais comme le geste outré d’un moraliste désespéré.

Mon bel animal

THéâtre

d’après le roman de Marieke Lucas Rijneveld

Adapté et mis en scène par Ivo van Hove

Paris, La Villette

lavillette.com

du 28 au 30 mars. 2 h 20.

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