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Remaniement : dans la tête de Sacha Houlié, ministrable déçu

Écrit par le 9 février 2024


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C’est un SMS envoyé, la veille de l’annonce du gouvernement, mercredi 7 février à 21 h 15. Pas encore ministre de l’Education, mais à peu près certaine de le devenir, Nicole Belloubet écrit au député Sacha Houlié : « Est-ce qu’on aura le bonheur d’entendre ton nom demain ? »

Quinze minutes plus tard, un second SMS est envoyé cette fois par le Premier ministre, Gabriel Attal : « Gros sujet, femme hypercompliqué. Sur sports, cela aurait vraiment eu du sens, mais on est parti pour garder AOC [Amélie Oudéa-Castéra] jusqu’aux JO pour qu’elle délivre et après… »

Le destinataire de ces messages, Sacha Houlié, est président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale. Lui qui rêvait d’être ministre des Sports l’année des Jeux Olympiques vient de vivre, à 35 ans et en quinze minutes, ce que les sportifs appellent une descente émotionnelle.

Durant le mois qui vient de s’écouler, il a eu plusieurs fois des motifs d’espérer un maroquin. Comme nous préparions son portrait, nous avons été témoin de ses espoirs et de ses doutes, de la pénible attente et de la déception finale. Nous nous étions engagés à ne rien publier avant qu’il soit fixé sur son sort. Maintenant, il sait.

Noël, la conscience tranquille

L’histoire commence le 19 décembre lorsqu’en fin de journée, en réunion du groupe des députés Renaissance, Sacha Houlié annonce qu’il votera contre le projet de loi immigration . C’est tout à fait inhabituel pour un président de la commission des Lois, même s’il émane de l’aile gauche de la majorité. Au sein de l’exécutif, la tension monte : cette indiscipline risque de faire tache d’huile. « Si tu votes le texte, tu rentres au gouvernement », lui dit un ministre.

Dans la soirée, lors d’une réunion à l’Elysée, Sacha Houlié s’explique : « Le président de la commission des Lois ne peut pas voter pour un texte dans lequel il a identifié trente articles inconstitutionnels. » Emmanuel Macron encaisse, dit qu’il ne comptera pas les voix du RN et saisira le Conseil constitutionnel, puis il ordonne : « Dans cette configuration, Sacha tu t’abstiens. » En vain. Dans l’hémicycle, Sacha Houlié brave la consigne présidentielle. Puis il part en vacances, certain qu’on ne lui « proposera rien ».

Antécédents

En juillet 2023, il avait déjà refusé le ministère des Outre-mer pour ne pas être sous la tutelle de Gérald Darmanin. Avec la nouvelle orientation politique à droite toute, il a fini par penser : « C’est le Parlement qui me correspond le mieux : je suis libre ; je n’aime pas qu’on me dise ce que j’ai à faire ou qu’on me fixe mon agenda ; j’aime bien faire un coup de gueule quand j’ai envie de le faire. »

Déjà, lors du premier quinquennat, il lui arrivait, simple député, d’envoyer des SMS à Emmanuel Macron, pour lui signifier ses désaccords. Le chef de l’Etat n’appréciait pas : « Tu ne tiens pas tes amis », reprochait-il à son conseiller Stéphane Séjourné. L’actuel ministre des Affaires étrangères est en effet un grand copain de Sacha Houlié depuis leurs études de droit à Poitiers, leur militantisme au Mouvement des jeunes socialistes (MJS) puis la création des Jeunes avec Macron.

« Qu’est-ce qui t’intéresserait ? »

Entre sa nomination à Matignon le 9 janvier et la constitution de son premier gouvernement le 11, Gabriel Attal réserve une surprise à Sacha Houlié. « Qu’est-ce qui t’intéresserait ? » lui demande-t-il. L’intéressé vise haut : « L’éducation et les sports », répond-il. Fils d’une institutrice, Sacha Houlié est très attaché à l’école publique et voue un culte à la méthode Freinet. Motard et fan de l’Olympique de Marseille, il rêve depuis l’enfance de prendre des responsabilités dans le monde du sport.

Avec lui, les communicants auraient une histoire à raconter : celle d’un enfant de la petite classe moyenne rurale devenu avocat grâce à l’Education nationale.

Lorsque le premier gouvernement resserré est annoncé, Sacha Houlié n’en est pas. Mais dans la semaine qui précède sa déclaration de politique générale du 30 janvier, Gabriel Attal le sonde une nouvelle fois : oui, le portefeuille des sports l’intéresse toujours, même si ce doit être un ministère délégué. Selon ses amis, Sacha Houlié « aime que cela pulse ». Et « les sports, l’année des JO, c’est l’activité absolue ! » s’enthousiasme-t-il. En revanche, un secrétariat d’Etat ou une autre fonction moins haletante, c’est non.

On le rencontre longuement le 29 janvier dans son bureau à l’Assemblée nationale et voilà trois semaines qu’il est sur des braises. Il affecte le calme des vieilles troupes : « Je sais quoi faire si je reste au Parlement. Je ne suis pas inquiet. » Une pause et il ajoute : « Si je suis ailleurs, je sais quoi faire aussi. »

« L’attente, c’est le plus pénible »

Dans le rire nerveux qui suit, on perçoit la tempête sous son crâne. « Le Parlement et l’assise territoriale, lorsqu’elle existe, vous confèrent une liberté que vous n’avez pas ailleurs », explique-t-il. Et en même temps (sourire) « quand vous êtes enfant d’enseignant et que vous connaissez la moitié de la planète sport, il y a des choses pour lesquelles vous ne dîtes pas non ». A ce moment-là, Amélie Oudéa-Castéra est déjà affaiblie . Et plus la grogne enseignante monte, plus l’exécutif le cite comme renfort possible.

Depuis janvier, il se demandait pourquoi le Premier ministre lui avait ouvert une perspective ministérielle, malgré son vote contre le projet de loi immigration. Lorsque ce dernier vivait avec Stéphane Séjourné, ils avaient certes passé des vacances ensemble, mais ils n’ont jamais été véritablement amis. Des parcours et des caractères trop dissemblables.

Le Premier ministre a grandi à Paris dans les beaux quartiers de la rive gauche, le député a connu les Deux-Sèvres, puis la Vienne en proie à la désindustrialisation, avec un père autodidacte qui a occupé trente emplois différents. Attal est tout en souplesse s’agissant des convictions ; Houlié monte au front pour défendre les libertés publiques et peut piquer des colères noires dès qu’il entrevoit du mépris de classe.

Le grand huit final

Et puis, début février, Sacha Houlié entend dire que l’Elysée aimerait qu’il libère la présidence de la commission des Lois pour l’un des ex-ministres de retour à l’Assemblée nationale. « Là, je comprends », lâche-t-il. Il ne pique pas de colère ; il attend. Après tout, il sait qu’un bras de fer se joue entre Emmanuel Macron et Gabriel Attal sur le sort d’Amélie Oudéa-Castéra. « Je suis un enfant de l’école publique », se répète-t-il. Avec lui, les communicants auraient une histoire à raconter : celle d’un enfant de la petite classe moyenne rurale devenu avocat grâce à l’Education nationale.

Mais voilà : la relaxe de François Bayrou , le 5 février, lui ouvre les portes du ministère de l’Education. Il pourrait réclamer le portefeuille des sports pour son parti. Alors quand le président du Modem fait savoir le 7 février à 19 h 30 que ce sera sans lui , Sacha Houlié peut à nouveau y croire. Il n’est pas le seul à juger son entrée au gouvernement crédible, comme en témoigne le SMS de Nicole Belloubet.

J’ai un peu l’impression d’avoir été pris pour un imbécile.

SACHA HOULIé

A 21 h 30, soit environ 23 heures avant que les Français soient informés de la composition du gouvernement, Gabriel Attal met fin aux espoirs du député. Sacha Houlié est « vexé » : « J’ai un peu l’impression d’avoir été pris pour un imbécile. »

La déception et la colère durent toute la soirée. A 0 h 47 ce jeudi, on reçoit un SMS de sa part : « La justice et le mérite n’existent pas – pas pour les gens comme moi. Je n’ai pas d’amertume, juste la détermination de ceux à qui on n’a jamais rien donné. Mon histoire ne s’écrit pas avec celles des puissants ou des insiders, mais avec ceux qui en bavent et sont besogneux. C’est certainement mieux, ça me correspond plus. Quoi qu’il en soit, je ne serai pas au gouvernement. » Des mots de dépit nocturne qui disent une faille.

Victime du bonneteau

Excessif sans doute pour un homme qui préside la très prestigieuse commission des Lois de l’Assemblée nationale à 35 ans. Mais comme d’autres transfuges de classe, Sacha Houlié n’a jamais oublié ce que lui ont dit des camarades de promotion lorsqu’il est arrivé à 17 ans à la fac de droit de Poitiers : « Tu n’as rien à faire ici. »

La nuit portant conseil, il nous envoie un nouveau SMS ce jeudi à 9 heures : « Mon message était un peu emporté, si vous pouviez ne pas en tenir compte. » Quelques heures avant l’annonce du gouvernement complet, il passe en revue ce qui a pu lui faire louper la marche gouvernementale : il ne pense pas avoir été puni pour son vote de décembre – « sinon pourquoi me demander ce qui m’intéresserait ? »

Il en conclut qu’il a simplement été victime du bonneteau classique à chaque remaniement et du souhait du président de conserver un poste pour Amélie Oudéa-Castéra. C’est tellement simple que c’en est rageant.

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