« Sous le vent des Marquises » : François Damiens dans l’ombre de Brel

Il est peut-être en train d’interpréter l’un des plus grands rôles de sa carrière, mais il préfère prendre la poudre d’escampette. Alain, un comédien populaire et bougon, travaille d’arrache-pied sur le tournage d’un biopic consacré à Jacques Brel qui évoque les dernières années du chanteur. Ce dernier, épuisé par les faux-semblants de la notoriété et par la curiosité malsaine des médias, s’apprêtait alors à abandonner le show-business pour s’exiler sur les îles Marquises, loin du tumulte de la civilisation.

S’identifiant étrangement à son personnage, Alain, qui souffre d’une grave maladie, mais n’en dit rien à personne, décide, lui aussi, de larguer les amarres. En plein tournage d’une scène, encore encombré par son costume et son maquillage, l’acteur quitte le plateau sans prévenir quiconque et, au volant d’une voiture subtilisée à la production, prend la route sous le regard subjugué des autres automobilistes. Notre héros ne rejoint évidemment pas les Marquises, mais, plus modestement, une île bretonne où son ex-épouse réside avec sa fille : Lou, avec laquelle il entretient des relations intermittentes et conflictuelles.

François Damiens magistral

Fils de Philippe Godeau, producteur et distributeur influent du cinéma français, Pierre Godeau (« Juliette », « Raoul Taburin ») aime raconter des histoires familiales complexes dans ses films. Il creuse son sillon thématique dans « Sous le vent des marquises », une fiction singulière qui dépeint les états d’âme d’un acteur fasciné par la personnalité tourmentée de Jacques Brel. Il décrit surtout les tentatives du comédien pour renouer, sur le tard, des relations avec sa fille.

Malgré ses insistances psychologiques et ses maladresses (notamment dans des scènes oniriques soulignant inutilement les parallèles entre l’existence d’Alain et celle de Brel), « Sous le vent des Marquises » se distingue du tout-venant grâce à l’originalité de son scénario et à son humour mélancolique.

Le film de Pierre Godeau bénéficie surtout de l’interprétation de François Damiens, magistral sous les traits pudiques et émouvants d’un acteur au bout du rouleau. Loin de ses prestations exclusivement comiques qui s’abîment parfois dans les facilités et l’outrance, l’acteur évolue ici dans des zones plus indécises qui rappellent ses meilleurs rôles dans « Suzanne », de Katell Quillévéré (2013) et « Les Cowboys », de Thomas Bidegain (2015). Deux rôles de père, déjà…