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Start-up : l’étonnant business des objets trouvés

Écrit par le 23 janvier 2024


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Une télé. Des doudous. Des diplômes… «Peu sont récupérés. Les parents en rachètent sans doute d’urgence», sourit Yoann Machefaux, responsable du service des objets trouvés de Rennes. Entre 8 heures et 17 h 30, ce hangar en périphérie de la ville est bombardé d’appels de malheureux propriétaires d’objets égarés . «Quand ils les récupèrent, certains en pleurent de joie» , s’émeut Sylvie Bourdon, seconde agente d’un lieu qui gère les 10.000 objets transitant ici chaque année. Beaucoup de vélos, davantage «empruntés» que volés. Certains sont gravés, mais la police rechigne à retrouver les coordonnées des propriétaires. Il n’y a que Decathlon à se réjouir d’être contactée par le service des objets trouvés, et qui se fait un plaisir d’appeler elle-même les propriétaires des vélos.

Trois objets sur dix retrouvent leur propriétaire. Pour améliorer ce résultat, la ville est en négociation avec Troov, qui propose un logiciel détectant les similitudes entre une annonce d’objet trouvé et une annonce d’objet perdu. Pour affiner l’algorithme de matching, ce « Tinder des objets trouvés » travaille à intégrer l’intelligence artificielle.

35 millions d’objets égarés en une année

Entre les étés 2020 et 2021, les Français ont égaré 35 millions de bibelots, cartes d’identité, portefeuilles ou autres clés… soit une moyenne de 1,2 objet par foyer, selon une étude d’Ipsos commandée par Troov. Dans la rue, à l’école, à la piscine, dans les centres commerciaux ou les transports en commun; 59% des personnes interrogées ne revoient jamais ce qu’ils ont égaré. Tout un marché pour les start-up qui aident à gérer ces objets trouvés, lesquels sont une charge pour ceux qui les récupèrent, comme la SNCF – 78.251 objets retrouvés en 2022, selon sa liste en temps réel. Une liste parfois surprenante où l’on peut trouver une luge, un violon et même un fauteuil roulant.

Reportage aux Objets trouvés de Rennes. On trouve de tout aux Objets trouvés, des sacs à mains aux livrets de famille, en passant par les lunettes.

Reportage aux Objets trouvés de Rennes. On trouve de tout aux Objets trouvés, des sacs à mains aux livrets de famille, en passant par les lunettes.©Thierry Pasquet / Signatures pour Les Echos Week-End

Quand le propriétaire ne se présente pas et que le contenu du bagage n’est pas visible, la rame, le train, le quai, voire la gare, sont évacués pour laisser place aux démineurs et à leurs chiens renifleurs. Résultat : 35.500 trains retardés ou supprimés cette année-là. L’étourdi risque 150 euros d’amende. La moitié des objets enregistrés par la SNCF n’est pas récupérée dans les trente jours. Ceux estimés à moins de 300 euros sont donnés à des associations. Les autres (ordinateurs, téléphones « récents », instruments de musique…) reviennent à la Direction nationale d’interventions domaniales (DNID), qui les vend aux enchères, en reversant 20% du prix à la SNCF.

La gestion du service a un coût, dont nous n’avons pas le chiffre… Cela demande du personnel et de l’espace en gare. Et nous ne faisons aucun bénéfice sur la la taxe de restitution des objets trouvés.

SNCF

En 2022, la DNID a recueilli 4.878 objets, en a vendu 2.863, pour 832 310 euros, versés au budget de l’Etat. Pour la SNCF, «la gestion de ce service a bien sûr un coût, dont nous n’avons pas le chiffre. Mais c’est un service précieux pour nos clients. Il faut stocker, enregistrer, rechercher, contacter et restituer… Cela demande du personnel et de l’espace en gare. Et nous ne faisons aucun bénéfice sur la taxe de restitution des objets trouvés» , affirme-t-elle. Réclamant 5 à 10 euros à la personne à qui elle restitue le bien.

Une véritable caverne d’Ali Baba

Depuis mars 2020, la Préfecture de police de Paris a décidé de faire payer les frais de garde 11 euros. Auxquels il faut ajouter des coûts d’expédition. Au 36 rue des Morillons, à Paris, se trouve sa caverne d’Ali Baba. C’est là qu’Aéroports de Paris envoient leurs trouvailles sous quinze jours. La moitié des objets viennent du réseau de la RATP, qui en a récupéré 227.818 en 2022.

Depuis cet automne, la compagnie distribue, en partenariat avec la SNCF, des étiquettes avec un QR Code : quand l’agent le flashe, un SMS est envoyé au tête en l’air. Prochain chantier : déployer la livraison à domicile. Sinon, on peut se déplacer dans le local RATP le plus proche du lieu d’oubli, gratuitement. «C’est du temps passé pour nos agents, mais cela fait partie de l’expérience client qu’on a très à coeur» , considère Valérie Gaidot, responsable du pôle clientèle. Sans rancune envers le voyageur distrait d’avoir interrompu le trafic pendant une heure !

Reportage aux Objets trouvés de Rennes. Les portefeuilles, bijoux , etc. sont stockés au coffre.

Reportage aux Objets trouvés de Rennes. Les portefeuilles, bijoux , etc. sont stockés au coffre.Thierry Pasquet / Signatures pour Les Echos Week-End

Les objets non récupérés (sauf les lunettes et les parapluies ordinaires, il y en a trop) sont envoyés à la police au bout de trois jours. Mais le perdant peut demander à augmenter ce délai s’il utilise la nouvelle application mobile de la RATP, lancée en avril. Le prestataire est le même que pour la Préfecture de police, Aéroports de Paris ou Air France : Yes We Found, aussi baptisé France Objets Trouvés (FOT).

Le site repose sur ce principe simple : le perdant y entre les caractéristiques de l’objet égaré, un inventeur (le terme juridique pour le «trouveur») dépose lui aussi son annonce, et l’algorithme vérifie les correspondances. Grenoble paie ses services « 6.000 euros » l’année, pour gérer à distance son local de 30 m2, auquel se consacrent 2 ETP (équivalent temps plein) de la Ville.

Lancé en 2015, FOT était l’un des premiers à utiliser l’informatique pour structurer la galaxie des choses trouvées. Depuis, des entreprises de la tech ont développé leurs propres outils et se disputent un marché « féroce », selon les acteurs concernés. Certains se positionnent sur la géolocalisation des biens, comme Apple et Samsung, qui vendent des gadgets à 40 euros à déposer dans une valise ou un portefeuille, lesquels s’activent à proximité d’autres appareils de la marque en Bluetooth.

Un QR Code pour mettre en relation

D’autres mettent en relation le perdant et l’inventeur, comme la start-up française KeepZeLink, l’une des médailles d’or au concours Lépine de 2017. Le concept : celui qui retrouve tel valise, vélo ou sac scanne le QR Code imprimé sur son étiquette, autocollant ou porte-clés. Il tombe sur les coordonnées du propriétaire et prend rendez-vous avec lui. Un concept plus étendu que celui des étiquettes de la SNCF et de la RATP, où seuls « des agents spécifiquement identifiés» peuvent lire le contenu du QR Code, «pour garantir la confidentialité des informations », renseigne le ministère de la Transition écologique.

On avait semé 100 téléphones dans Paris avec un QR Code et presque la moitié est revenue en deux jours.

Olivier Bohm PDG KeepZeLink

Air France, Accor, Orange ont offert les kits de KeepZeLink à leurs clients ou employés. Plus classe que des coordonnées griffonnées sur papier ? Cela suppose d’être à l’aise avec cette technologie, ce qui n’était pas le cas avant Covid, rappelle le PDG de l’entreprise Olivier Bohm. « On avait semé 100 téléphones dans Paris avec un QR Code et presque la moitié est revenue sous les deux jours », assure-t-il. Une autre application possible : le QR Code à porter en bracelet, pour les personnes atteintes d’Alzheimer.

Reportage aux Objets trouvés de Rennes. Dûment étiquetés, les bijoux attendent que leur propriétaires se manifestent.

Reportage aux Objets trouvés de Rennes. Dûment étiquetés, les bijoux attendent que leur propriétaires se manifestent.©Thierry Pasquet / Signatures pour Les Echos Week-End

D’autres enfin identifient et organisent le renvoi des biens, comme FOT. Jérôme Pasquet, fondateur de PeeK’In s’est spécialisé en 2019 dans les hôtels. «J’en avais comme clients dans ma première start-up, et ils ont dit qu’ils étaient prêts à dépenser pour que je leur fasse économiser de l’espace de stockage et du temps de gestion. C’est une charge mentale en moins pour le personnel qui a parfois affaire à des clients qui pètent les plombs et ne veulent pas donner leurs coordonnées bancaires par téléphone pour se faire livrer leur bien. Souvent les hôtels ne prennent donc pas la peine de les appeler quand ils retrouvent un objet dans leur chambre» , se souvient celui qui a travaillé dans la logistique.

Au lieu de conserver ,voire de détruire les objets trouvés, il faudrait favoriser leur vente et leur don, en réduisant le délai de revendication par le propriétaire.

Alain Caumeil Directeur national des interventions domaniales

Là, c’est PeeK’In qui contacte le client et gère l’expédition des biens et les questions de douane. «On convertit les objets trouvés en satisfaction client», explique Jérôme Pasquet, qui prend, en moyenne, 10 euros de commission sur les frais de port. Pour les hôtels, l’abonnement dépend du nombre de chambres – compter 1.000 euros par an pour 75 chambres. PeeK’In revendique plus de 400 hôtels clients, majoritairement en France, du deux au cinq étoiles. Et envisage de mettre en place un partenariat avec Emmaüs et le Secours populaire, quand personne ne veut plus des objets perdus.

«C’est un sujet économique pour les Français. Quand ils ne retrouvent pas leur bien, il faut le racheter. Et les partenaires n’en peuvent plus de devoir tout stocker», estime Grégoire Rey-Brot, cofondateur et directeur général de Troov, lancé en 2018, qui compte aujourd’hui 25 salariés et revendique plus de 300 clients en France, tels que Carrefour, les UGC, l’aéroport d’Athènes, des parcs d’attractions…

Il a face à lui des sites comme CPasPerdu, qui fait payer aux internautes la visibilité de leurs annonces (comme Leboncoin ) et augmente sa propre visibilité sur le Net en créant des sites satellites, commeTout-Où.com (avis de recherche des chiens de compagnie), CMonChat.com ou Doud-Où.com (pour nos chères peluches). Entre les étés 2022 et 2023, le chiffre d’affaires de Troov s’est élevé à 1,5 million d’euros. «L’objectif est de le doubler d’ici la fin 2024 avec les JO, une période qui promet d’être très intense. On attend de très gros clients cette année», glisse Grégoire Rey-Brot.

Peut-on vendre les objets non rendus?

Selon une ordonnance datant de… 1830, le perdant dispose de trois ans pour réclamer un objet perdu, même s’il a été récupéré par quelqu’un d’autre ! Au moment de sa vente, l’objet n’est donc pas la propriété de l’Etat, de la commune ou de la SNCF qui le gère. Un cadre juridique qui semble bien lâche. « Il semble que France Objet Trouvés récupère des objets trouvés gratuitement et organise leur don ou leur vente en intervenant auprès de collectivités locales », affirme Alain Caumeil, directeur national des interventions domaniales. FOT n’a pas donné à la suite de nos appels. « Au lieu de conserver ,voire de détruire les objets trouvés, il faudrait favoriser leur vente et leur don, en réduisant le délai de revendication par le propriétaire », avance l’administrateur général des Finances publiques. L’idée est de rendre les communes propriétaires de ces objets (sauf s’il est perdu dans une société de transport) et qu’elles les remettent à la DNID, en échange d’un intéressement.

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