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Swaine : cette vieille maison britannique qui fournit chapeaux et parapluies à Hollywood

Écrit par le 26 mars 2024


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Les fedoras sont accrochés au mur, des bruns, des gris et des noirs, doublés de tissu vert pâle, jaune moutarde et mauve. Tous arborent la même silhouette légèrement cabossée, rendue célèbre par les films de la série des Indiana Jones.

 «Steven Spielberg et Harrison Ford sont venus nous voir en 1980, car ils étaient à la recherche d’un chapeau pour ‘Les Aventuriers de l’arche perdue’ », se rappelle Ian Harding, chapelier de formation et responsable du sur-mesure pour la marque Herbert Johnson, à l’origine du fameux couvre-chef. Le mandat était clair : il fallait que l’explorateur jouant le rôle principal soit instantanément reconnaissable à son chapeau.

Une série de «fedora Indy», créés pour la série des Indiana Jones, exposés dans la boutique phare de Swaine sur New Bond Street, à Londres.

Une série de «fedora Indy», créés pour la série des Indiana Jones, exposés dans la boutique phare de Swaine sur New Bond Street, à Londres.©Jérémie Souteyrat pour Les Echos Week-End

Le réalisateur et l’acteur se sont rapidement mis d’accord sur The Poet, un fedora en feutre de lapin à larges bords.  « A l’origine, il s’agit d’un chapeau de chasseur», détaille Ian Harding, qui avec ses moustaches gominées et sa cravate à pois semble tout droit sorti d’un livre d’Agatha Christie.

Traditionnellement, celui qui le portait s’en servait pour signaler son statut social. « Un noeud ouvert signifiait qu’on était célibataire, alors qu’un noeud fermé était pour les hommes mariés, détaille-t-il. De même, le premier né, futur propriétaire foncier, portait un chapeau brun et le second né, destiné à une carrière d’homme de foi, optait pour du gris.»

Un fedora de biais pour ressembler à Indiana Jones

À la suite de la visite de Steven Spielberg et d’Harrison Ford, Herbert Johnson est devenu le fournisseur officiel de chapeaux d’Indiana Jones, déclinant son couvre-chef en sept versions. Il lui a même fallu créer un fedora qui se pose de biais sur la tête, pour imiter le port du célèbre aventurier. L’acteur américain l’aurait adopté pour que le chapeau reste en place durant les cascades.

Aujourd’hui, le modèle The Poet représente 80% des ventes d’Herbert Johnson. À chaque nouveau film, la marque voit ses ventes exploser. The Dial of Destiny, sorti l’été dernier, les a ainsi multipliées par sept. « Nous avons actuellement une liste d’attente de 200 personnes pour nos fedoras », souligne Carine de Koenigswarter, laPDG de Swaine, la maison mère d’Herbert Johnson, une marque créée en 1889 et devenue le fournisseur officiel de l’aristocratie britannique. Pour se procurer le couvre-chef à 495 livres, il faut être prêt à patienter plusieurs mois.

Carine de Koenigswarter, PDG de Swaine, photographiée dans la boutique phare de NewBond Street, à Londres.

Carine de Koenigswarter, PDG de Swaine, photographiée dans la boutique phare de NewBond Street, à Londres.©Jérémie Souteyrat pour Les Echos Week-End

Dans les années 1990, l’enseigne connaît cependant un passage à vide. « Les chapeaux étaient passés de mode », note Carine de Koenigswarter. La généralisation de la voiture dans la période de l’après-guerre, avec son absence de place au-dessus de la tête des passagers, leur porte une première estocade. Le brouillage des notions de classes sociales dès les années 1960, autrefois symbolisées par différents types de chapeaux – le béret pour l’ouvrier, le haut-de-forme pour les gens de la haute – leur donne le coup de grâce, à l’exception notable de la casquette.

Ce qui entraîne la reprise d’Herbert Johnson en 1996 par Swaine, une autre maison multicentenaire. Durant cette phase, la maison a cessé de fabriquer elle-même ses chapeaux. En 2008, pour Le Royaume du crâne de cristal, le quatrième opus de la série des Indiana Jones, les producteurs se sont pour la première fois fournis ailleurs.

Une maison née en 1750

Cette période de déclin n’a toutefois été que de courte durée.  Depuis quelques années, les gens ont recommencé à porter des chapeaux » , relève Carine de Koenigswarter. Si certains modèles datés ne sont pas revenus à la mode, comme les hauts-de-forme rigides ou les chapeaux à plumes, les ventes de fedoras, de panamas et de bérets en revanche se portent très bien, souligne la responsable. En 2016, la marque a recommencé à fabriquer ses propres pièces.

Si elle conserve son identité, elle est désormais solidement ancrée dans le giron de Swaine. Né en 1750 pour fournir les cochers en fouets et selles de chevaux, cette maison est elle-même devenue une référence en matière d’attaché-case et de sacs de voyage. «Nous utilisons du cuir de bride anglais, qui est extrêmement durable, détaille Ian Harding. Pour le tanner, il faut le plonger durant un an dans une concoction à base d’écorce de chêne.»

Ian Harding, directeur du sur-mesure pour Herbert Johnson, en fedora et parapluie… So british !

Ian Harding, directeur du sur-mesure pour Herbert Johnson, en fedora et parapluie… So british !©Jérémie Souteyrat pour Les Echos Week-End

Parmi les modèles historiques de la marque, encore en vente aujourd’hui, figurent des sacoches destinées à accompagner les voyageurs sur les premiers trains à vapeur et des mallettes pour les médecins et les infirmières que la création en 1948 de la NHS, le système de santé public , avait rendus plus mobiles. Sans oublier les attachés-cases sécurisés utilisés par le gouvernement britannique.

Au moment de l’acquisition d’Herbert Johnson, Swaine avait déjà repris le fabricant de parapluies Brigg, qui a vu le jour en 1817. « Introduits au Royaume-Uni par les Normands au XVIIIe siècle, ils ont gagné en popularité à partir du milieu du XIXe », raconte Ian Harding. Ils sont aujourd’hui exposés dans une salle dont le plafond ruisselle de filaments de verre, accrochés au mur comme autant d’oeuvres d’art. On y entend le bruit de la pluie et le sol est recouvert d’un tapis bleu canard imitant des gouttes d’eau. Avec leur manche en bois incrusté de détails en argent ou en or, ils valent entre 320 et 950 livres (375 et 1.100 euros).

Le chapeau melon de John Steed et le béret de Thomas Shelby

Les parapluies aussi ont fait office de figurants dans plusieurs films, comme Chantons sous la pluie, Orange mécanique et la série des Monty Python. Plusieurs objets en cuir de Swaine ont également connu une carrière hollywoodienne. On lui doit le sac sans fond de Mary Poppins, l’attaché-case de James Bond ou celui porté par Emma Peel dans Chapeau melon et bottes de cuir.

Quant à la maison Herbert Johnson, elle a produit le chapeau melon que John Steed arbore dans la même série, ainsi que le béret en cuir de Steve McQueen dans le film Le Mans. Plus récemment, la marque a fourni les bérets portés par les protagonistes de la série culte Peaky Blinders, qui fait le portrait de gangsters dans l’Angleterre des années 1920. « Nous ne faisons jamais de placement de produits, ce sont les cinéastes qui viennent à nous » , précise Carine de Koenigswarter. Parfois, la société reçoit des demandes particulières. « Il est déjà arrivé qu’on nous demande de vieillir artificiellement l’un de nos produits ou même de le détruire, à l’image du parapluie cassé de Charlie Chaplin» », raconte Ian Harding.

Parmi les autres clients fameux de la maison figure l’armée britannique et la maison royale, qui y obtiennent leurs couvre-chefs cérémoniaux, y compris ceux utilisés durant funérailles de la reine et le couronnement du roi Charles III. Ce dernier possède par ailleurs trois parapluies Brigg et quelques biens en cuir de Swaine. « Il les fait restaurer régulièrement. Il n’aime pas acheter du neuf.»

Des parapluies Brigg présentés comme des composition artistiques au mur de la boutique phare de New Bond Street, à Londres. Charles III en possède trois.

Des parapluies Brigg présentés comme des composition artistiques au mur de la boutique phare de New Bond Street, à Londres. Charles III en possède trois.©Jérémie Souteyrat pour Les Echos Week-End

Pour s’assurer que la qualité reste au rendez-vous, le trio de marques luxueuses garde la main sur l’ensemble du processus de production. «Nous avons un atelier à Cambridge pour la fabrication des chapeaux en feutre, une unité à Leicester pour travailler le cuir ,et une autre en sous-sol de notre boutique à Mayfair, au coeur de Londres», détaille Ian Harding.

Une dizaine d’ouvriers y oeuvrent. L’un se sert d’un patron en carton pour marquer le cuir d’un trait de craie avant de le découper à la main; un second coud soigneusement un carré de cuir – «Chaque point est scellé, explique Ian Harding. Si l’un se défait, les autres restent en place. » -,Tandis qu’un troisième attache une doublure à l’intérieur d’un képi militaire orné de lettres cousues de fil doré. Il faut compter trente huit heures pour produire un attaché-case. Un fedora prend une douzaine d’heures.

Rachat par Chargeurs

Depuis 2021, Swaine a entamé une nouvelle phase, avec sa reprise par le groupe français Chargeurs, spécialiste du textile. «Son modèle d’affaires est de dénicher des pépites, puis de les transformer en marques globales», déclare Carine de Koenigswarter. Elle rappelle que si Swaine fait figure de référence parmi les gens fortunés d’un certain âge au Royaume-Uni, son nom n’est guère connu au-delà de ces cercles.

Certains des accessoires conçus pour le cinéma, dont l'attaché-case de Sean Connery dans «Bons baisers de Russie».

Certains des accessoires conçus pour le cinéma, dont l’attaché-case de Sean Connery dans «Bons baisers de Russie».©Jérémie Souteyrat pour Les Echos Week-End

Pour accroître sa visibilité, son nouveau propriétaire a ouvert en 2023 dans la capitale britannique un flagship à la devanture lumineuse sur New Bond Street, à quelques pas du quartier touristique d’Oxford Circus. Contrairement à l’autre enseigne du groupe, nichée au fond d’une galerie huppée, celle-ci attire davantage de visiteurs étrangers, notamment en provenance d’Asie et du Moyen-Orient.

Une autre boutique a vu le jour à Tokyo. « La prochaine étape sera de nous implanter aux Etats-Unis, notre plus important bassin de clientèle en dehors du Royaume-Uni » , informe la PDG. Un portail de vente en ligne vient compléter le dispositif.

Attirer une clientèle étrangère et plus jeune

L’assortiment de la maison a également été revu pour inclure davantage de produits susceptibles de plaire aux jeunes et aux femmes, comme des mini-attachés-cases aux couleurs pop (turquoise, orange, fuchsia) ou des sacs à dos en cuir. Les membres de la génération Y et Z adhèrent aux valeurs de durabilité et d’artisanat promues par Swaine.

 «La majorité de nos pièces comprend une part de sur-mesure, explique Ian Harding. Nous pouvons inclure des détails personnels, comme une doublure évoquant la cravate portée le jour de son mariage ou une fermeture éclair ornée d’un médaillon avec la photo d’un être aimé. »

Il se souvient d’un père venu acheter un attaché-case pour sa fille, qui venait d’être nommée au conseil d’administration d’une grande banque suisse. «Elle devait se démarquer dans cet univers éminemment masculin, alors nous lui avons créé un produit sur mesure», raconte le chapelier. Résultat : une mallette en cuir bleu marine aux lignes fines, munie d’une doublure ornée du drapeau britannique. Cette création a depuis été intégrée dans la collection permanente de Swaine.

Les attachés-cases des services secrets

Le gouvernement britannique se fournit en attaché-case chez Swaine depuis des décennies.  « Nous avons notamment conçu ceux des services secrets, explique Ian Harding, chargé du sur-mesure pour la marque. Ils comprennent de nombreuses astuces, comme un revêtement en plomb qui empêche de les passer aux rayons X ou un verrou qui s’autodétruit quand on tente de le forcer. »À tel point qu’ils ont servi d’inspiration à l’auteur Ian Fleming, lorsqu’il a écrit sa série d’ouvrages sur James Bond. Lorsque les films du même nom ont vu le jour dans les années 1960, Swaine a tout naturellement été sollicité pour fabriquer l’attaché-case du célèbre agent secret. Il a notamment fait une apparition dans James Bond contre Dr No (1962), Bons baisers de Russie (1963) et Goldfinger (1964). Le modèle est commercialisé depuis sous l’appellation Bond.

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