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Mythologie d’une disparition | Les Echos

Écrit par le 12 avril 2024


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Entre le moment où j’ai écrit et celui où paraît cette chronique, des éléments nouveaux ont peut-être livré la clef du mystère Emile, cet enfant de 36 mois disparu en juillet 2023, dont on a retrouvé des restes par un froid samedi pascal de 2024. Cette affaire a réveillé en chaque Français les facultés déductives qui nous transforment volontiers en enquêteurs de comptoir. Il est vrai que les questions ne manquent pas. Où sont passés les ossements manquants ? Déplacés par des animaux ou des précipitations ? Dispersés ailleurs par un meurtrier ? Un bambin de cet âge a-t-il pu marcher seul jusqu’à ces écarts escarpés ? Comment le corps a-t-il pu échapper depuis des mois à des investigations aussi serrées ? Que disent ces rumeurs flottant autour de la famille ? On pense à un récent film à succès, La Nuit du 12, construit sur une énigme qui restera irrésolue.

Mais il y a plus : les raisons qui font que tel fait divers s’inscrit plutôt que tel autre dans le roman national. Cela peut réveiller des réminiscences. Pour ma part, l’évocation d’ossements ramène à la surface l’effroi ressenti dans l’enfance à la lecture du dernier chapitre de Notre-Dame de Paris : les squelettes embrassés d’Esmeralda et Quasimodo se putréfiant au toucher, en un mélange de danse macabre et de romantisme noir. Mais, plus avant, l’affaire Emile en réveille d’autres, sous-tendue qu’elle est par des strates d’antécédents, ce type de sous-texte que les moines médiévaux nommaient palimpseste.

Une enquête dans notre mémoire

En premier lieu, l’intrigue s’inscrit dans un cadre rural et non urbain, située dans l’une de ces îles mystérieuses de l’archipel français, qui pourrait inviter, si ce n’était tragique, à une songerie nervalienne sur les noms de lieux : il y a un Haut-Vernet comme il y avait une Vologne dans l’affaire Grégory. En deuxième lieu, le cas concerne une microcommunauté, à l’échelle du hameau ou du village, avec les suspicions et les rumeurs qui la fendillent. À cet égard, un film de 1943 en a inscrit le sombre scénario dans le légendaire national, Le Corbeau , de Clouzot. En troisième lieu, une suspicion passagère s’est portée sur un aïeul de l’enfant : là encore, réminiscence du plus fameux fait divers des années 1950, l’affaire Dominici, qui vit un patriarche taiseux soupçonné d’un crime dans une campagne isolée.

Ajoutons que la religiosité stricte de la famille fait écho à un autre mystère survenu en milieu très catholique, l’énigme Dupont de Ligonnès. Pour ne pas parler de cette « mise en situation » de dix-sept témoins, organisée par les gendarmes deux jours avant la découverte de restes humains, qui ressemble fort à la technique de résolution finale du plus célèbre détective francophone, le Belge Hercule Poirot. Bref, nous avons là un concentré d’évocations qui font de l’affaire Emile ce que Roland Barthes aurait nommé une « mythologie » : un précipité de références qui invite à une enquête dans notre mémoire.

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